Les terres volées et les forêts en extinction au Chili : Nouveau rapport sur les plantations en conflit
Un rapport de l’Environmental Paper Network, de GFC et du Colectivo VientoSur révèle un nouveau cas de « plantations en conflit » cette fois au Chili. Lire en anglais / lire en espagnol
La police militaire chilienne a récemment été renvoyée à la garnison d’Araucania, au centre-sud du Chili, où l’industrie des pâtes et papiers est engagée dans un conflit de longue date avec le peuple indigène Mapuche. Il s’agit d’un mauvais présage : de fait, en novembre dernier, l’ancien président Piñera avait déclaré l’état d’urgence dans la région, et quelques jours plus tard, deux membres de la communauté mapuche ont été tués par la police militaire. Cela montre une fois de plus que les mesures exceptionnelles ne font qu’accroître la méfiance et la violence dans un conflit de longue date.
Ce conflit pour les terres a commencé en 1974, lorsque des entreprises forestières, soutenues par la dictature militaire, se sont emparées des terres autochtones pour y développer des plantations. Sur ces plantations, largement subventionnées par la junte militaire, deux de ces entreprises, Celulosa Arauco et CMPC, ont construit les conglomérats actuels de pâte à papier et de papier.
Au cours des mêmes décennies, de vastes étendues de forêts naturelles ont été converties en plantations. Les plantations de bois ont été multipliées par dix entre 1975 et 2007 et occupent désormais près de la moitié (43 %) du paysage du centre-sud du Chili. Parallèlement, les forêts naturelles ont rétréci. Par exemple, en 25 ans, soit de 1986 à 2011, un tiers des forêts naturelles a été remplacé par des monocultures de bois dans la chaîne de montagnes de Nahuelbuta, entre les régions de Bio Bío et d’Araucanía.
Le retour de la démocratie au Chili n’a pas remédié aux dégâts : les forêts naturelles n’ont pas été restaurées, et les terres volées n’ont pas été rendues à leurs propriétaires traditionnels. Au contraire, les plantations à grande échelle ont continué à s’étendre et à exercer une pression sur les habitats environnants.
La consommation excessive d’eau par les plantations de bois à pâte a épuisé les nappes phréatiques, ce qui, conjugué au changement climatique, provoque une vague de sécheresse et d’incendies de forêt qui menace directement les forêts naturelles restantes, ainsi que le climat mondial.
En tentant de récupérer leurs terres traditionnelles, les communautés autochtones se sont heurtées à la violence et à la criminalisation, qui se sont transformées en une escalade de protestations et de répression.
Tous ces impacts ainsi que les étapes nécessaires à l’élaboration des solutions, ont été documentés dans un document publié par l’EPN en collaboration avec Colectivo Viento Sur et la Coalition mondiale des forêts : Les terres volées et l’extinction des forêts au Chili. Le rapport est le chapitre 3 d’une série de rapports d’enquête mondiaux de l’EPN intitulée “Plantations en conflit”.
Dans son discours à la nation, le nouveau président Boric a déclaré : “Nous savons que la restitution des terres est l’une des demandes les plus ressenties par les peuples autochtones. (…) Nous sommes en train de concevoir, avec responsabilité, une proposition qui nous permette de résoudre cette situation et qui implique tous les acteurs de la zone.” Il s’agit d’une reconnaissance sans précédent des véritables racines des conflits dans la région de l’Araucanie, et d’un grand pas vers le bon chemin. Toutefois, le conflit dans la région s’envenime, et le temps est compté.
Nous appelons l’industrie des pâtes et papiers (Arauco, CMPC) à recenser toutes les terres qui ont appartenu aux communautés locales, dans le cadre d’un processus de cartographie et d’un programme de restitution complet inclusifs et transparents. Nous demandons également de réduire et de désintensifier les plantations afin de minimiser l’impact sur la nappe phréatique et de restaurer les écosystèmes naturels touchés par la participation des organisations locales à la planification, la gestion et le suivi.
Nous demandons à la République du Chili de faire respecter rapidement et systématiquement les droits des communautés autochtones sur leurs terres ancestrales, bien que ces dernières aient été volées il y a des décennies, ainsi que de protéger les forêts naturelles du pays contre les utilisations irresponsables des terres.
Retrouvez le rapport complet ici : Plantations en conflit Chapitre 3 : Les terres volées et forêts en extinction au Chili. Disponible en espagnol également.
Source: EPN