Couvert Forestier 59 : Bioénergie en Afrique de l’Ouest – impacts sur les femmes et les forêts
Dans ce numéro de Forest Cover, nous explorons l’ensemble du développement et de l’utilisation de la bioénergie en Afrique de l’Ouest et son impact sur les femmes et les forêts. Les articles couvrent un très large spectre à ce sujet, passant de la bioénergie nécessitant de vastes superficies de terres afin de fournir les matières premières, aux ménages et aux communautés omniprésents et anciens, où le bois est principalement collecté par les femmes pour répondre aux besoins domestiques en énergie.
Les exemples de six pays d’Afrique de l’Ouest et un regard critique sur le financement des développements de la bioénergie analysent les éléments suivants: l’utilisation traditionnelle de la biomasse forestière (et le financement des foyers améliorés), les centrales à biomasse pour l’électricité, les centrales à biocarburant utilisant de l’éthanol provenant de cultures vivrières comme le manioc et le biogaz produit par la fermentation des déchets agricoles. Tous fonctionnent à des échelles différentes et ont des impacts variables, mais surtout, les articles se concentrent sur les impacts différenciés selon le genre en tant que dimension souvent sous-représentée dans le débat sur la bioénergie.
Tous réunis, les articles mettent en évidence la nécessité de trouver des solutions de remplacement plus sûres et plus propres à la bioénergie à toutes les échelles, afin de protéger les forêts et de mettre fin à la discrimination fondée sur le genre qui est si enracinée en raison de la division traditionnelle du travail et du manque de sécurité foncière des femmes. L’électrification rurale basée sur de véritables énergies renouvelables, comme l’énergie solaire et le biogaz appartenant à la communauté, pourrait atténuer la pauvreté énergétique dans certaines des communautés ayant les taux d’accès à l’énergie les plus bas au monde. De plus, la conservation et la restauration des forêts en tenant compte des disparités entre les genres et régies par les communautés constituent une approche beaucoup plus équitable et durable de la gestion des ressources forestières que les plantations commerciales d’arbres.
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Editorial: Découvrir les impacts de la bioénergie sur les femmes et les forêts en Afrique de l’Ouest
Les plans africains pour l’énergie de la biomasse et Les plantations d’eucalyptus au Ghana
Les femmes et les forêts sous pression au Bénin en raison de leur dépendance au bois de chauffage et au charbon de bois
L’utilisation de la biomasse au Togo : quels sont les risques pour les femmes?
Les foyers améliorés à biomasse devraient-ils être soutenus par un financement climatique?
Les biodigesteurs gérés par les communautés augmentent la résilience climatique des femmes au Burkina Faso
La biomasse au Nigéria : une solution ou un enjeu pour les personnes et l’environnement?
L’impact des développements de la bioénergie sur les communautés et les femmes au Libéria
Découvrir les impacts de la bioénergie sur les femmes et les forêts en Afrique de l’Ouest
Par Juana Vera Delgado, GFC, Pérou, and Kwami Kpondzo, GFC et Amis de la Terre Togo
Dans ce numéro de Forest Cover, nous explorons l’ensemble du développement de la bioénergie et son utilisation en Afrique de l’Ouest sous l’angle du genre. Nous couvrons un très large spectre à ce sujet, passant de la bioénergie nécessitant de vastes superficies de terres afin de fournir les matières premières, aux ménages et aux communautés omniprésents et anciens, où le bois est principalement collecté par les femmes pour répondre aux besoins domestiques en énergie.
La bioénergie est un terme large qui décrit toute source d’énergie exploitant l’énergie solaire stockée dans toute matière biologique. Elle est souvent divisée en deux grandes catégories, la bioénergie traditionnelle et la bioénergie moderne, et les articles qui suivent reflètent cette étendue. Elles couvrent l’utilisation traditionnelle de la biomasse forestière, les centrales à biomasse pour l’électricité utilisant du bois (eucalyptus ou caoutchouc), les centrales à biocarburant utilisant l’éthanol issu de cultures vivrières telles que le manioc et le biogaz issu de la fermentation de déchets agricoles. Tous fonctionnent à différentes échelles et ont des impacts variables, mais entrent tous dans la vaste catégorie de la bioénergie.
Ces articles sont tirés d’expériences sur le terrain dans six pays d’Afrique de l’Ouest et d’un regard critique sur le financement international pour le développement de la bioénergie dans ce pays. Les articles se concentrent sur les impacts différenciés selon le sexe en tant que dimension souvent sous-représentée au sein du débat sur la bioénergie. D’un côté, la bioénergie a de loin la plus grande empreinte sur le sol de toutes les formes de production d’énergie et est souvent l’un des principaux moteurs de l’accaparement des terres, ce qui entraîne des conflits avec les communautés et des violations des droits de l’homme, ainsi que des impacts sur les forêts, la biodiversité et les ressources en eau douce. La diminution de la souveraineté alimentaire est également étroitement liée à la génération de bioénergie moderne. D’un autre côté, les rôles bien définis des genres garantissent que les femmes et les filles doivent rechercher et collecter des sources traditionnelles de bioénergie. Cela alourdit la charge de travail déjà surchargée des femmes, en particulier dans les communautés où leur travail est sous-estimé et non rémunéré (ramasser du bois et de l’eau, cuisiner, s’occuper des enfants et des aînés et s’occuper de l’agriculture, pour ne nommer que quelques exemples).
Bioénergie : Toute source énergétique qui exploite l’énergie solaire contenue dans toute matière biologique.
Biomasse moderne : Le bois ou d’autres cultures énergétiques sont brûlés dans des centrales électriques afin de produire de la chaleur et/ou de l’électricité.
Biomasse traditionnelle : du bois de chauffage, du charbon de bois ou des déchets agricoles dans des poêles pour la cuisson et le chauffage.
Biocarburants : carburants liquides dérivés de la biomasse pouvant être utilisés à des fins de transport ou de chauffage.
Bioéthanol : carburant provenant des cultures telles que le manioc, le sorgho et la canne à sucre.
Biodiesel : carburant produit à partir de graines telles que la palme, le jatropha, le colza, le tournesol et le soja.
Biogaz : digestion anaérobie de matières organiques afin de produire un gaz destiné à la cuisson, au chauffage et à la lumière.
Un autre aspect important de l’histoire de la bioénergie en Afrique de l’Ouest et dans le monde entier est le lien étroit qui existe entre ces développements et la «gestion durable des forêts», qui est désormais une filière pour les plantations industrielles d’arbres. Alors que de plus en plus de forêts précieuses de la région sont perdues sous les pressions combinées de la récolte de bois d’œuvre, de bois de chauffage et de charbon de bois ainsi que du défrichement des terres pour la culture, y compris les cultures énergétiques telles que l’huile de palme et la canne à sucre, le secteur commercial des plantations forestières saisit l’occasion de peindre les monocultures en tant qu’alternatives «durables». Les projets de foyers de cuisson propres sont de plus en plus liés aux plantations commerciales d’arbres produisant du «charbon propre», et comme le montre l’exemple du Ghana, des eucalyptus sont plantés à grande échelle uniquement pour être brûlés dans une centrale électrique. Une gestion véritablement durable des forêts (suite à la page 6) serait régie par les communautés, s’appuierait sur les connaissances et les pratiques traditionnelles des communautés locales et serait axée sur la protection et la restauration des forêts existantes, ce qui est essentiellement l’inverse du modèle de foresterie commerciale.
Tout le monde dépend de l’énergie sous une forme ou une autre au quotidien, mais les femmes ont des aspirations, des besoins et des rôles différents en ce qui concerne l’accès, la fourniture, la gestion et le contrôle de l’énergie que nous utilisons. Comme le montrent les articles qui suivent, ces différences peuvent accentuer les inégalités et les enjeux subis par les femmes, encore aggravée par la précarité énergétique de la majorité des communautés d’Afrique de l’Ouest.
Les impacts différenciés selon le genre incluent la charge liée aux longues heures de travail et aux efforts physiques que les femmes déploient pour ramasser du bois de feu, aggravé par la déforestation et la surexploitation, ainsi que les impacts sur la santé principalement causés aux femmes et aux enfants par l’exposition à la fumée la maison. L’accès à la terre et la gestion de la terre sont un autre impact important ressenti différemment par les femmes et les hommes : les femmes ont beaucoup moins de pouvoir décisionnel même si elles sont souvent les principales productrices d’aliments. Cela est particulièrement préoccupant lorsque les entreprises achètent des terres pour des cultures énergétiques ou engagent des propriétaires fonciers afin de produire des cultures énergétiques au lieu de produits alimentaires.
La génération de bioénergie et ses impacts ne se produisent pas de manière isolée : de fait, ils sont régis par des politiques innombrables et parfois contradictoires. Lorsque les politiques énergétiques ne tiennent pas compte des sexospécificités et des considérations de parité hommes-femmes dans la planification, la prise de décision et la mise en œuvre, les femmes seront inévitablement touchées, en particulier dans les zones où la pauvreté énergétique est la réalité quotidienne et où les communautés sont déjà marginalisées. Le fait que les femmes soient souvent exclues ou incapables de participer au processus de prise de décision et qu’elles ne disposent pas de droits légaux et sécurisés sur la propriété foncière signifie que les droits et les besoins des femmes ne reçoivent pas l’importance qu’elles méritent pour la prise de décisions concernant leur vie et leurs moyens de subsistance. La planification de tous les développements énergétiques doit donc être faite en étroite consultation avec les communautés, en veillant à ce que les femmes et les autres titulaires de droits aient la possibilité de participer ainsi que de contribuer au processus et que leurs points de vue, aspirations et besoins se reflètent dans les résultats.
Bien qu’il n’existe pas de solution «universelle» et que les solutions de substitution à la bioénergie doivent être soigneusement examinées en fonction des contextes national, local et communautaire, l’Afrique de l’Ouest dispose d’un énorme potentiel de production d’énergie à partir de sources véritablement renouvelables. Par exemple, l’énergie solaire peut être réalisée à petite échelle et gérée par les communautés, contribuant ainsi à accroître la souveraineté et la sécurité énergétiques locales ainsi que la justice pour les femmes. Le soutien public et les financements internationaux seraient bien mieux dépensés en électrification rurale par le biais de l’énergie solaire et des petites centrales hydroélectriques, ainsi que du biogaz pour la cuisine, le chauffage et l’éclairage. Au lieu de cela, de grandes sommes d’argent sont affectées aux centrales électriques à biomasse pour fournir de l’électricité à l’industrie lourde plutôt qu’aux habitations, et aux usines de biocarburants afin de produire du carburant pour les véhicules. Ceci n’offre ni aux femmes ni aux communautés dont elles font partie, un accès à l’énergie plus propre et plus sûr.
Réaffecter les ressources économiques déjà disponibles, avec les bonnes politiques en place et assurer la pleine participation des principaux détenteurs de droits, peut souvent contribuer de manière significative à réduire l’écart de financement nécessaire pour donner aux communautés l’accès à une énergie propre et verte. Cela peut sembler coûteux, mais le coût actuel pour la société, où les femmes doivent sacrifier leur éducation, leur revenu et leur santé (et celle de leurs enfants) pour subvenir aux besoins de leur famille, est certainement beaucoup plus élevé.
Les plans africains pour l’énergie de la biomasse
Par Wolfgang Kuhlmann, ARA, Allemagne
Le bois fournit encore environ la moitié de l’énergie primaire de l’Afrique. Au sein de la plupart des zones rurales, il n’y a guère d’alternatives et dans les villes, le charbon de bois est généralement le combustible le moins cher, ce qui entraîne une exploitation insoutenable dans de nombreuses zones densément peuplées.
À mesure que la demande d’énergie en Afrique augmente, il est urgent de faire appel à un plus grand nombre d’énergies renouvelables. Cela a conduit à la mise en place d’un certain nombre de mécanismes de financement internationaux, tels que le Fonds pour l’énergie durable en Afrique (SEFA de son acronyme anglais), un fonds fiduciaire multidonateurs controversé [1] géré par la Banque africaine de développement. Le Danemark, les États-Unis et la Norvège ont investi 95 millions de dollars américains afin de soutenir le développement de projets d’énergie renouvelable et d’efficacité énergétique à petite et moyenne échelle en Afrique. À l’origine, le SEFA co-parrainait le Fonds africain pour les énergies renouvelables (FEDA), un fonds d’investissement privé de 200 millions de dollars US qui est dorénavant géré par Berkely Energy.
Cela ne doit pas être confondu avec l’IAER, l’Initiative africaine pour les énergies renouvelables, qui a été créée en 2015 et travaille sous le mandat de l’Union africaine. La Commission européenne et les donateurs bilatéraux ont promis 10 milliards de dollars américaines pour atteindre au moins 10 GW de capacité de production d’énergies renouvelables nouvelles et supplémentaires d’ici 2020. Après un démarrage lent, 128 projets [2] ont été adoptés par l’IAER à ce jour. Toutefois, les informations concernant leur statut sont généralement incomplètes.
Bien que l’accent soit mis sur les projets solaires, éoliens et les petites centrales hydroélectriques, la «biomasse moderne» [3] est également considérée comme une option viable. Malheureusement, les critères de financement de l’IAER [4] ne font aucune distinction entre les matières premières pouvant être utilisées dans ces centrales. Au lieu de se limiter aux déchets ou aux véritables résidus des industries agricole et forestière, des arbres entiers ou des cultures vivrières peuvent être inclus.
Des exemples au Ghana (p. 5) et au Nigéria (p. 11) aident à illustrer les problèmes qui peuvent survenir lors de l’utilisation de ces matières premières pour la production d’énergie.
[2] http://www.arei.info/projects.php?langue=an&varc2=adopt
[3] Ici, la biomasse moderne est utilisée comme un terme technique, par opposition à la biomasse traditionnelle.
[4] http://www.arei.org/wp-content/uploads/2018/09/Approved-AREI-Criteria.pdf
Les plantations d’eucalyptus au Ghana
La société norvégienne Plantations africaines pour le développement durable (APSD de son acronyme anglais) a choisi une zone reculée du Ghana afin de planter des eucalyptus dans l’unique but d’être brûlés pour produire de l’électricité. Depuis 2009, l’entreprise a pu assurer l’accès à environ 42 000 d’hectares de terres dans la province de Brong Ahafo, du côté ouest du lac Volta.
9 000 ha ont déjà été plantés. Quelque 22 000 ha de plantations d’eucalyptus seront nécessaires pour garantir un approvisionnement annuel de 600 000 m³ de grumes. Cette quantité de bois est nécessaire afin d’alimenter une centrale de 60 MW qui devrait être opérationnelle en 2021.
Outre le FEDA [1], le projet est parrainé par Erling Lorentzen, fondateur de la société brésilienne de pâtes et papiers Aracruz Cellulose (devenue Fibra et qui a depuis fusionné avec Suzano, une autre grande société brésilienne de pâtes et papiers). «Après avoir constaté les avantages en termes d’emploi et de développement de plantations à grande échelle gérées de manière durable au Brésil, M. Lorentzen souhaite transférer les avantages de ses connaissances en Afrique», tel qu’indiqué dans un exposé. [2]
Selon des informations communiquées par l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID de son acronyme anglais) [3], des baux d’une durée de 50 ans ont été obtenus uniquement par des autorités traditionnelles pouvant prouver leur propriété. En raison des risques d’incendie dans les plantations, les terres agricoles de 84 ménages qui travaillaient au sein de la concession mais vivaient à l’extérieur de celle-ci ont été relocalisées dans des zones situées à l’extérieur de la concession. La plupart des agriculteurs ont accepté car on leur offrait de labourer gratuitement leurs nouveaux champs.
Cela signifie-t-il qu’il n’y a vraiment pas de conflits sur des terres qui ne seront plus disponibles pour l’agriculture de subsistance au cours des 50 prochaines années? Beaucoup de revendications des compagnies semblent trop belles pour être vraies : de fait, il serait utile qu’une ONG locale puisse mener une enquête sur le terrain afin de prendre en compte les points de vue de toutes les parties prenantes, et en particulier des femmes, qui sont touchées de manière disproportionnée par de tels systèmes.
[1] https://www.berkeley-energy.com/project/apsd-2/
[2] http://newforestsforafrica.org/wp-content/uploads/2016/03/Session-D-APSD.pdf
[3] https://www.land-links.org/wp-content/uploads/2018/05/Investor-Survey-on-Land-Rights_Report-2018.pdf
Les femmes et les forêts sous pression au Bénin en raison de leur dépendance au bois de chauffage et au charbon de bois
Par Fataï Aina, Association AMAF-Bénin
Le Bénin était jadis recouvert de forêts et était reconnu en Afrique de l’Ouest pour la richesse de sa diversité biologique grâce à la disponibilité d’une eau de bonne qualité tout au long de l’année. Aujourd’hui, il ne reste au mieux que des fragments et des reliques, de simples souvenirs des forêts qui existaient autrefois.
Les quelques zones forestières qui existent encore sont uniformément réparties dans tout le pays. Elles sont constituées de forêts privées et de forêts protégées situées dans des réserves ou des parcs animaliers. Toutefois, la perte de couvert forestier due aux pressions humaines, notamment pour la production de bois de feu et de charbon de bois, constitue une menace sérieuse pour l’équilibre écologique du Bénin. Au Bénin, 80% de la population dépendent du bois de chauffage et du charbon de bois pour la cuisson [1], et la consommation totale de bois à des fins énergétiques est d’environ 4,8 millions de tonnes par an. [2]
Dans les zones rurales du Bénin, seules les principales villes sont connectées au réseau électrique, ce qui représente environ 10-15% de la population. Parmi les ménages qui peuvent techniquement se connecter, beaucoup sont pauvres et n’ont pas les moyens de le faire. [3] Ce contexte reflète un degré élevé d’insécurité énergétique pour les communautés, accentué par la hausse des prix des combustibles fossiles.
En l’absence d’options alternatives d’approvisionnement en énergie domestique, les forêts sont de plus en plus menacées par la demande sans cesse croissante de bois de chauffage. Afin de faire face à ce problème, des initiatives telles que les plantations d’arbres pour le bois de chauffage sont en cours de développement pour répondre aux besoins des consommateurs. Toutefois, la récolte incontrôlée de bois d’œuvre et de bois de chauffage, le développement de plantations d’arbres en monoculture à des fins commerciales et le besoin croissant de terres arables en raison de la pression démographique accélèrent la déforestation. Une biodiversité importante est en train de disparaître.
Le manque d’accès à l’énergie pour l’éclairage, le chauffage et la cuisine réduit la productivité des hommes et des femmes au Bénin et de la société dans son ensemble. Cependant, les femmes portent le plus lourd du fardeau. Effectivement, les femmes et les filles sont obligées de parcourir de longues distances à pied pour aller chercher de l’eau et récolter du bois de chauffage. Elles doivent également supporter le fardeau de la combustion du bois pendant la cuisson. Elles sont aussi généralement désavantagées à tous les niveaux en termes de propriété et d’accès à la terre, de ressources naturelles, de crédit, en ce qui a trait à l’information et à l’éducation, et sont moins en mesure de participer à la prise de décision. La pauvreté énergétique ne touche donc pas les femmes et les hommes de la même manière, ce qui entraîne des résultats économiques et sociaux distincts pour chaque groupe.
La manière dont les ressources forestières sont gérées est le facteur déterminant pour affirmer si le besoin immédiat d’énergie tirée du bois peut être satisfait au Bénin. La gestion des forêts revêt donc une importance capitale pour les femmes. Bien que les politiques et les plans de gestion des forêts mettent l’accent sur l’approche participative de la gestion des ressources forestières et stipulent la participation des communautés autochtones et locales à tous les niveaux, ils n’indiquent pas spécifiquement les démarches à suivre. Cela signifie que les femmes et les personnes marginalisées sont souvent laissées en dehors des processus décisionnels qui régissent la gestion de ces ressources vitales.
Il est essentiel de considérer les réalités des différents droits, rôles et besoins des femmes et des hommes en matière de bioénergie, afin de mieux définir les moyens dont ils disposent afin d’être correctement reconnus, respectés et satisfaits dans la gestion des ressources forestières. La mise en œuvre d’une telle approche fondée sur les droits sera bénéfique pour la valorisation d’une utilisation durable et équitable des ressources forestières ainsi que de la sécurité alimentaire, et pourrait également contribuer de manière significative à la conservation et à l’amélioration de la fertilité des sols, au contrôle de l’érosion et à la restauration des microclimats.
[1] Fonds Africain de Développement – FAD, 2006
[2] Programme d’Action National d’Adaptation – PANA Energie, 2018
[3] Synergie Solaire, 2013
L’utilisation de la biomasse au Togo : quels sont les risques pour les femmes?
Par Fida Bagbo, Les Amis de la Terre, Togo
La biomasse est le combustible le plus utilisé pour répondre aux besoins énergétiques de base dans le monde, mais sa combustion en tant que source d’énergie n’est pas sans conséquences. Si la prévalence des maladies respiratoires chroniques est liée au tabagisme dans les pays développés, elle est liée à l’utilisation de la biomasse dans les pays en développement. Les femmes l’utilisent pour la cuisine et le chauffage bien plus que les hommes et sont donc les plus touchées.
Selon l’Organisation mondiale de la santé, plus de 50% de la population mondiale est exposée à la fumée provenant de la combustion de biomasse, principalement dans les zones rurales, avec une augmentation prévisible d’ici 2030. «La pollution de l’air nous menace tous, mais les populations les plus pauvres et les plus marginalisées supportent le plus lourd du fardeau », déclare le Dr. Tedros Adhanom Ghebreyesus, Directeur général de l’OMS. «Il est inacceptable que plus de 3 milliards de personnes, des femmes et des enfants pour la plupart, respirent encore chaque jour une fumée mortelle en raison de l’utilisation de fourneaux et de combustibles polluants chez eux… Il est à noter que la moitié des décès dus à des maladies respiratoires dans les pays en développement sont relèvent de l’exposition à la fumée, et 75% de ces décès sont des femmes ». [1]
Au Togo, 50,8% de l’énergie utilisée provient du bois de chauffage, 40% du charbon de bois et seulement 7,7% du gaz butane. [2] Au sein des zones rurales du pays, 95% des ménages utilisent toujours le bois comme principale source d’énergie, combustible brûlé dans des feux ouverts et dans des foyers inefficaces. [3] En conséquence, plus de 3000 personnes meurent d’inhalation de fumée chaque année, [4] dont la plupart sont des femmes. Les enfants et les filles en particulier sont exposés de manière disproportionnée aux effets néfastes de la fumée sur la santé : de fait, dès leur plus jeune âge ils passent la journée avec leur mère dans des cuisines mal ventilées. Des études montrent que les enfants âgés de un à quatre ans sont exposés à des niveaux élevés de polluants pouvant avoir des effets à long terme sur leur santé. [5]
Un autre impact ressenti en particulier par les femmes est le fait qu’elles sont obligées de collecter du bois de chauffage en raison de la division du travail qui leur est imposée par la société. La difficulté d’y accéder entraîne une surcharge de travail et un manque de temps à consacrer à d’autres activités productives telles que le travail rémunéré. En plus des problèmes causés par l’exposition à la fumée, il entraîne également d’autres effets sur la santé. [6]
Les communautés sont conscientes de ces problèmes liés à la biomasse et, dans un effort pour les résoudre, des représentantes des communautés des préfectures d’Avé, de Yoto et de Tchamba, au Togo, ont participé à un atelier organisé par les Amis de la Terre Togo : celui-ci leur permettait de partager leurs expériences des impacts de la biomasse sur la santé des femmes et de renforcer leurs capacités en matière de conservation et de restauration des forêts en tenant compte des disparités entre les genres. Elles ont décrit comment le bois et le charbon de bois les exposaient à la fumée, ont reconnu qu’elles utilisaient des fourneaux inefficaces et que leurs cuisines étaient mal ventilées, ce qui exacerbait les risques pour elles et leurs enfants. Certaines ont décrit des cas de toux, de rhume et d’autres infections respiratoires à la suite d’une longue exposition à la fumée dans leur cuisine. L’introduction et l’utilisation plus large de nouvelles technologies de cuisson plus propres, telles que les foyers améliorés, ont été identifiées comme une solution permettant de réduire la pollution et d’améliorer la santé respiratoire des femmes et des enfants.
L’atelier a également permis aux communautés de partager des informations sur les impacts des développements de la monoculture d’arbres au Togo, notamment de l’accaparement des terres et de la réduction de l’accès à la terre, ce qui entrave la participation active des femmes aux activités de conservation de la forêt, nuit à la diversité biologique par la déforestation et la dégradation des forêts et exacerbe le changement climatique. En revanche, la conservation des forêts encourage la participation des femmes et valorise l’importance de leur rôle, ainsi que la protection et la restauration de la biodiversité. Les plantations d’arbres encouragent également l’utilisation accrue de la biomasse pour les besoins en énergie, car elles rendent le bois plus facilement disponible.
En tant que titulaires de droits essentielles dans le développement durable, les femmes doivent être impliquées dans les discussions et les décisions relatives aux problèmes de la biomasse aux niveaux local et national, à la fois pour protéger leur santé et celle de leurs enfants, ainsi que pour contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la déforestation.
[1] Salvi, S.S. and Barnes, P.J. (2009) Chronic Obstructive Pulmonary Disease in Non-Smokers. Lancet, 374, 733-743.
[2] Communication of AGBETI, 2016 National statistics from INSEED
[3] http://www.fao.org/3/a0789f09.html
[4] http://jve-international.net/index.php/2019/06/
[5] Kodgule, Rahul & Salvi, Sundeep. (2011). Exposure to biomass smoke as a cause for airway disease in women and children. Current opinion in allergy and clinical immunology. 12. 82-90.
[6] Politique nationale du Togo pour l’équité et l’égalité de genre, 2011
Les foyers améliorés à biomasse devraient-ils être soutenus par un financement climatique?
Par Almuth Ernsting, Biofuelwatch, Écosse
Les projets de foyers de cuisson à la biomasse améliorés, également dits « propres », dans les pays du Sud (particulièrement dans les zones rurales) ont été un choix populaire pour le financement climatique, allant des compensations de carbone chapeauté par Mécanisme de développement propre, au Fonds vert pour le climat ainsi qu’au financement bilatéral pour le climat.
Selon une étude de modélisation menée en 2016, l’élimination progressive des foyers de cuisson à la biomasse traditionnels pourrait réduire le réchauffement de la planète de 0,1 ° C et prévenir plus de 10 millions de décès prématurés d’ici 2050 [1]. Un accès universel à une cuisine propre améliorerait sans aucun doute la vie de centaines de millions de femmes ainsi que d’enfants et sauverait quelque 3,8 millions de personnes de la mort prématurée chaque année. [2] Cela réduirait également les pressions forestières au sein de nombreuses régions du Sud, même s’il existe, dans l’ensemble, des facteurs de déforestation et de dégradation des forêts bien plus importants que l’utilisation traditionnelle de la biomasse.
Les foyers de cuisson à la biomasse améliorés sont valorisés depuis les années 50 [3], d’abord pour l’accès à l’énergie et la santé et, ces dernières années, de plus en plus pour l’atténuation du changement climatique. L’idée est que ces poêles minimiseront la pollution de l’air intérieur nuisible, protégeant ainsi la santé des femmes et des enfants, et qu’ils réduiront la quantité de bois et d’autres types de biomasse brûlée.
Les projets de financement pour le climat qui promeuvent des foyers améliorés à biomasse impliquent la dissémination à grande échelle ou la vente à moindre coût de foyers «efficaces» aux communautés. Plusieurs de ces projets incluent également la promotion du bois provenant de plantations forestières en tant que matière première dite «durable». On suppose qu’une plus grande efficacité réduit l’utilisation du bois et la pollution de l’air intérieur, bien que dans certains de ces projets, des tests d’émissions puissent être effectués.
Toutefois, des études de projets de foyers améliorant la promotion de la lutte contre le changement climatique montrent que la santé des enfants ne s’améliore pas du tout [4] et que la santé des femmes n’est au mieux qu’améliorée de manière marginale et pour une période limitée. En effet, le plus vaste essai à ce jour, basé à Orissa, en Inde, n’a révélé aucun bénéfice pour la santé. [5] Aussi, rien n’indique que l’utilisation du bois soit réduite à long terme. Les raisons de l’échec comprennent:
- les poêles en cours de distribution, dont l’efficacité et les émissions ont été démontrées lorsqu’ils sont utilisés afin de faire bouillir une casserole d’eau dans des conditions de laboratoire, se révèlent toutefois moins propres et moins efficaces lorsqu’ils servent à préparer des repas en famille; [6]
- les fourneaux ne sont efficaces et moins émissifs que s’ils fonctionnent d’une manière peu pratique pour les femmes. Par exemple, si le bois doit être coupé en minuscules morceaux;
- le manque d’entretien et de réparation des foyers, faute de soutien, et/ou les femmes doivent consacrer plus de temps à l’entretien des foyers qu’à la réduction de l’utilisation de bois de chauffage ou du temps de cuisson.
Ceci n’est pas une réflexion sur les initiatives communautaires visant à développer et à utiliser des foyers à biomasse plus efficaces et plus propres, ce qui est souvent la seule chose que les communautés peuvent faire elles-mêmes pour atténuer certains des impacts de la combustion de biomasse. Il existe également des exemples de tels systèmes qui fonctionnent. L’étude RESPIRE menée dans les hautes terres du Guatemala est un essai largement cité parmi les preuves démontrant les bienfaits d’un programme de poêles sur la santé. [7] Dans ces pays, les femmes qui recevaient des foyers améliorés à biomasse présentaient moins de symptômes respiratoires après 18 mois que celles qui continuaient de dépendre des foyers traditionnels. Les poêles étaient de meilleure qualité et plus coûteux que ceux utilisés dans la plupart des grands poêles à biomasse. Ils ont été adaptés aux besoins locaux et les femmes ont été visitées chaque semaine afin que leurs fourneaux soient entretenus et réparés à tout moment. Des projets communautaires similaires pourraient certainement améliorer la qualité de vie des femmes et réduire l’utilisation de bois de chauffage.
Néanmoins, comme l’a montré une étude de 2016, aucun programme impliquant des poêles à biomasse solide ne répond aux directives de l’Organisation mondiale de la santé sur la pollution de l’air intérieur. [8] Là où le biogaz, les poêles solaires ou l’électrification de la cuisine sont proposés comme solutions de rechange aux poêles à biomasse amélioré, la santé des femmes et des enfants en sera bénéficiée.
Les affirmations selon lesquelles les foyers améliorés à biomasse réduisent les émissions de gaz à effet de serre sont également discutables.
L’argument principal est que la combustion de bois dans les poêles à biomasse traditionnels émet du CO2 et que le passage à des poêles plus efficaces réduirait l’utilisation de bois et donc les émissions de CO2. Par exemple, le Fonds vert pour le climat a récemment approuvé un projet de poêles à biomasse au Kenya et au Sénégal. [9] Le rapport sur les garanties environnementales et sociales relatif à ce projet faisait valoir qu’en Sierra Leone, 66% des émissions de gaz à effet de serre provenaient de la combustion de biomasse, contre un tiers de la combustion de combustibles fossiles. Des fourneaux à biomasse plus efficaces réduiraient la combustion du bois et par conséquence les émissions.
Cependant, tout comme les allégations relatives à la santé, les éléments de preuve ne permettent pas de croire que l’on peut compter sur la diffusion à grande échelle de fourneaux plus efficaces pour réduire le chauffage au bois. Par exemple, une étude de 2011 sur les foyers améliorés au Népal a révélé que le contraire était également vrai. [10]
Enfin, la comptabilisation des émissions de carbone provenant de la combustion de bois de chauffage pose un problème fondamental: en vertu du Protocole de Kyoto, les pays industrialisés ne tiennent pas compte des émissions de combustion issues de la biomasse. [11] À travers l’Europe, l’Amérique du Nord, le Japon et la Corée du Sud, des entreprises énergétiques brûlent des millions de tonnes de bois de forêt et de plantation d’arbres. Ces pratiques sont classées «neutres en carbone» et sont récompensées par des subventions en faveur de l’énergie renouvelable. Les règles qui permettent que cela se produise ont été vivement critiquées par les scientifiques et les défenseurs de l’environnement.
Cependant, parallèlement, le bois de feu brûlé par les femmes dans les pays du Sud se classe comme de la «biomasse non renouvelable», responsable des émissions de gaz à effet de serre. Ces doubles normes en matière de comptabilisation du carbone doivent être dénoncées.
[1] Transient climate and ambient health impacts due to national solid fuel cookstove emissions, Forrest G. Lace et.al., PNAS, December 2016
[2] https://www.who.int/airpollution/en/
[3] https://www.aepc.gov.np/improved-cooking-stoves
[4] Impact of improved cookstoves on women’s and child health in low and middle income countries: a systematic review and meta-analysis, Megha Thaku et.al., Thorax, 2018
[5] Up in Smoke: The Influence of Household Behavior on the Long-Run Impact of Improved Cooking Stoves, Rema Hanna et.al., American Economic Journal: Economic Policy, February 2016
[6] Pour des exemples, veuillez consulter : Up in Smoke: The Influence of Household Behavior on the Long-Run Impact of Improved Cooking Stoves, Rema Hanna et.al., American Economic Journal: Economic Policy, February 2016
[7] Effect of Reducing Indoor Air Pollution on Women’s Respiratory Symptoms and Lung Function: The RESPIRE Randomized Trial, Guatemala, Tone Smith-Sivertsen et.al., American Journal of Epidemiology, June 2009
[8] Health and Climate-Relevant Pollutant Concentrations from a Carbon-Finance Approved Cookstove Intervention in Rural India, Ther W. Aung et.al., Environ. Sci. Technol., 2016, 50 (13)
[10] Unbelievable but improved cookstoves are not helpful in reducing firewood demand in Nepal, Mani Nepal et.al., Environment and Development Economics, February 2011
[11] https://www.pfpi.net/wp-content/uploads/2011/03/Searchinger-et-al-2009.pdf
Les biodigesteurs gérés par les communautés augmentent la résilience climatique des femmes au Burkina Faso
Par Zénabou Segda, Women Environmental Programme, Burkina Faso
Roumtinga est un village situé près de Ouagadougou, au Burkina Faso, où les producteurs sont organisés en associations autour d’activités telles que l’agriculture, l’élevage et le maraîchage, et où les droits et les rôles des femmes attirent de plus en plus l’attention.
Le changement climatique touche de manière disproportionnée les femmes et Roumtinga est de plus en plus vulnérable, car elle manque de ressources en eau ainsi que de ressources financières pour améliorer ces problèmes » Ce village souffre également d’infertilité des sols. Cela menace les moyens de subsistance et aggrave l’insécurité alimentaire tout comme la pauvreté. La communauté a de plus en plus besoin de sources d’énergie alternatives et de denrées agricoles, qui constituent une part importante des dépenses globales.
Les femmes de Roumtinga dépendent fortement de la biomasse pour cuisiner et pour satisfaire leurs autres besoins énergétiques de base. Souvent, elles doivent récolter du bois de manière non durable pour assurer leur survie et satisfaire les besoins énergétiques de leurs ménages. Cette forte dépendance vis-à-vis de la biomasse a de nombreux impacts néfastes sur l’environnement local : elle conduit à la déforestation et contribue aux impacts mondiaux du changement climatique. Les impacts négatifs sur les conditions de vie sont également considérables, en particulier en ce qui a trait à la collecte de biomasse, qui est une tâche épuisante et quotidienne accomplie par les femmes, ainsi qu’en raison des risques pour la santé liés à l’inhalation de fumée.
L’utilisation intensive et incontrôlée d’engrais chimiques dans les exploitations pose également d’importants problèmes environnementaux au sein de la communauté, tels que la pollution de l’air. Elle affecte également la qualité de l’eau des barrages, qui est la seule source à laquelle les agricultrices ont accès pour leurs activités agricoles.
Afin de renforcer la résilience de la communauté et d’atténuer ses émissions de carbone, le village envisage de construire 10 digesteurs de biogaz avec le soutien de l’Institut de la francophonie pour le développement durable (IFDD). Les travaux débuteront à la fin de cette année. À l’échelle communautaire, les biodigesteurs de biogaz produisent de l’énergie propre et sûre ainsi que des engrais de qualité grâce à la fermentation des déchets organiques. La technologie est très bénéfique et offre des améliorations à plusieurs niveaux : de fait, elle permet d’intensifier la production agro-pastorale, de diversifier l’approvisionnement en énergie et de renforcer les capacités d’adaptation des femmes face au changement climatique.
Cette technologie donne aux femmes la capacité de produire de l’énergie verte pour la cuisine et l’éclairage, ce qui réduit l’utilisation de bois et de combustibles fossiles et les impacts qui leur sont associés. Elle produit également du compost afin d’améliorer la productivité agricole, ce qui favorise une meilleure gestion des déchets et réduit sa pollution.
Sur le plan économique, l’utilisation d’un biodigesteur permet aux villageoises de faire des économies d’énergie et d’utilisation d’engrais, et les lampes au biogaz permettent également aux femmes de s’engager dans des activités génératrices de revenus à la maison.
Aussi, sur le plan social, l’utilisation du biogaz pour la cuisine protège les femmes de certaines maladies telles que les problèmes respiratoires et les problèmes oculaires. La production de biogaz à partir de déchets permet également de rendre le cadre de vie plus agréable et d’alléger le fardeau de la recherche et de la récolte du bois par les femmes.
L’utilisation des déchets agricoles et d’élevage de Roumtinga pourrait contribuer à la transition vers l’économie verte qui a déjà commencé au Burkina Faso. Le programme national de biodigesteur représente déjà un grand pas en avant pour le pays, mais les limites du soutien financier disponible risquent de freiner l’enthousiasme des ménages ruraux et des femmes pour cet important outil ainsi que son potentiel d’amélioration de leurs conditions de vie et de leurs moyens de subsistance. Les femmes productrices de Roumtinga doivent être soutenues pour acquérir la technologie nécessaire au développement durable de leur environnement rural.
Si rien n’est mis en place afin de soutenir les femmes et les communautés dans la précarité dans laquelle elles vivent, comment peuvent-elles prospérer? Comment sera-t-il possible de rendre leurs exploitations productives et rentables ainsi que d’accroître leur résilience en créant une valeur ajoutée endogène et respectueuse de l’environnement? Fournir un soutien adéquat aux systèmes de biogaz pilotés par les communautés pourrait constituer une solution importante et équitable aux problèmes croissants auxquels elles sont confrontées.
Le biogaz offre une alternative sûre et efficace à la combustion du bois s’il est effectué à une échelle appropriée et en utilisant la bonne matière première. Il existe un nombre croissant d’initiatives de biogaz menées par les communautés qui utilisent des déchets organiques produits localement et elles ont besoin de soutien. D’autre part, le secteur de l’élevage industriel dans de nombreuses régions du monde a grandement mis de l’avant l’utilisation du biogaz comme solution afin de traiter les déchets issus de pratiques agricoles extrêmement non durables. Comme pour toutes les technologies, la matière première, la balance et la surveillance réglementaire sont de la plus haute importance pour assurer la durabilité.
La biomasse au Nigéria : une solution ou un enjeu pour les populations et l’environnement?
Par John Baaki, Women Environmental Programme, et Nkiruka Okonkwo, Fresh & Young Brains Development Initiative (FBIN), Nigeria
Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), «L’énergie est au cœur du développement durable et des efforts de réduction de la pauvreté. Elle affecte tous les aspects du développement, que ce soit au niveau social, économique ou environnemental, y compris les moyens de subsistance, l’accès à l’eau, la productivité agricole, la santé, la population, l’éducation et les problèmes liés au genre… ». Aucun des objectifs de développement durable (ODD) ne peut être atteint sans une amélioration majeure de la qualité et de la quantité des services énergétiques dans les pays en développement.
Aussi important soit-il, l’accès aux services énergétiques modernes reste très faible au Nigéria et de nombreux Nigérians sont fortement tributaires de l’utilisation de la biomasse traditionnelle. On estime que 93 millions de Nigérians n’ont pas accès à l’électricité malgré la dotation en ressources telles que le pétrole, le gaz, l’énergie solaire, l’hydroélectricité, l’énergie éolienne, etc.
En tant que partie à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et signataire de l’Accord de Paris sur le climat, le Nigéria a commencé, plus que jamais, à explorer l’énergie issue de sources renouvelables. L’accent est maintenant mis sur les biocarburants, afin de produire de l’éthanol qui sera mélangé aux carburants de transport. La compagnie nationale de pétrole du Nigéria (NNPC, de son acronyme en anglais) a récemment signé un protocole d’accord avec deux consortiums nigérians-chinois pour la construction de dix grands complexes de biocarburants à travers le pays. Une déclaration signée par le porte-parole de la NNPC a révélé que «l’objectif de l’exploitation des ressources en carburants renouvelables au Nigéria est de mettre en œuvre nos contributions établies au niveau national à l’Accord de Paris; une partie de celle-ci nécessite le mélange de 10% en volume d’essence-éthanol dans l’essence et de 20% en volume de biodiesel dans le gazole automobile (diesel) pour une utilisation dans le secteur des transports. ”
Un autre protocole d’accord a été signé entre le gouvernement fédéral du Nigéria et Global Biofuels Ltd en 2012 pour la construction de 15 usines de production de biocarburants intégrées, estimées à 414 milliards de nairas (1 milliard d’euros) au sein de 12 États différents. Ces usines de biocarburants devraient convertir le jus de tiges de sorgho sucré en éthanol.
Dans l’État d’Ondo, le gouvernement de l’État a exprimé son intention de veiller à ce qu’une usine de production de manioc vers éthanol, qui y est construite, soit opérationnelle d’ici la fin de 2019. Environ 6 400 hectares de terres sont nécessaires à la culture du manioc pour alimenter l’usine d’éthanol qui nécessitera environ 150 000 tonnes de manioc par an. Plus de 5 000 agriculteurs de l’État sont impliqués afin de répondre à la demande de 350 tonnes par jour de l’usine. [1]
Bien que les efforts susmentionnés puissent être vantés pour leurs effets positifs attendus, tels que la réduction des émissions du secteur des transports et la création d’emplois pour les jeunes chômeurs, on en sait peu sur les effets négatifs de l’exploitation de ces usines sur l’environnement, les forêts, la sécurité alimentaire, l’accès et les droits à la terre ainsi qu’aux moyens de subsistance des personnes.
La construction de tant de nouvelles usines de biocarburants nécessitant de grandes quantités de sorgho et de manioc dégradera les sols où la matière première est cultivée et nécessitera des intrants chimiques nocifs susceptibles de polluer les eaux souterraines ainsi que d’avoir un impact sur la santé de la communauté. Une étude récente sur les impacts de la production de biocarburants au Nigéria a montré que si la culture des matières premières allait se traduire par des gains économiques pour les agriculteurs ruraux, elle pourrait également entraîner un accaparement des terres. L’étude a également observé une déforestation importante pour la production de matières premières dans les zones d’étude. [2] Etant donné que de vastes étendues de terres sont nécessaires à la culture de plantes énergétiques, ces nouvelles installations nécessiteront sans aucun doute un défrichement encore plus grand des zones forestières.
Les communautés d’accueil risquent également de subir des effets négatifs sur leur sécurité alimentaire, puisqu’on placera davantage l’accent sur la culture de ce qui rapportera rapidement un revenu que sur ce qui a une valeur nutritionnelle réelle. Si l’agriculture de subsistance est menacée, les femmes auront également des difficultés financières, car elles seront obligées d’acheter de la nourriture en dehors de la saison des récoltes et ce, à des prix exorbitants. Il est possible que les usines de production de biocarburants soient obligées de réduire leur production ou de fermer complètement, ce qui forcerait les agriculteurs sous contrat à fournir la matière première dans une position précaire. Cela aurait un impact négatif supplémentaire sur la sécurité alimentaire, comme ce fut le cas récemment en Sierra Leone, où une usine de production d’éthanol a partir de la canne à sucre a cessé ses activités. [3]
Les impacts décrits ci-dessus sont susceptibles d’affecter plus durement les femmes : par exemple, puisque le Nigéria est une société patriarcale où les femmes ont des droits incertains sur la terre et où les hommes sont reconnus comme les propriétaires légitimes des terres familiales, lorsque les agriculteurs sont encouragés à vendre leurs terres pour la culture des matières premières, les femmes n’ont pas le pouvoir de décision, alors qu’elles assument la majeure partie du travail consistant à fournir de la nourriture aux familles. Toute réduction de l’accès des femmes à la terre signifie qu’il y a moins de terres disponibles pour la production de nourriture pour les familles. Un autre impact qui touchera les femmes de manière disproportionnée est le fait que lorsque les forêts sont défrichées afin de cultiver des matières premières, l’accès aux produits forestiers non ligneux est limité, ce dont dépendent les moyens de subsistance de nombreuses femmes et de leurs familles.
Si les efforts visant à produire une énergie alternative sont louables, les questions à se poser lorsqu’on se lance dans de tels projets sont les suivantes: l’impact environnemental négatif l’emportera-t-il sur les gains économiques potentiels à court terme pour certains groupes? L’approvisionnement en matières premières sera-t-il durable? Quel projet d’énergie renouvelable offrira de meilleurs avantages environnementaux? De fait, il serait peu judicieux, dans le but de résoudre un problème environnemental, d’en créer un autre.
[1] http://ondostate.gov.ng/Home/NewsItem/Ethanol-project-in-Ondo-requires-6-400hectares
[2] B. O Balogun and A. T. Salami, 2016. “Effects of biofuel production on selected local Communities in Nigeria”, Journal of Petroleum Technology and Alternative Fuels
L’impact des développements et des pratiques de la bioénergie sur les communautés et les femmes au Libéria
Par Salome Gongloe-Gofan, Centre rural intégré d’autonomisation (RICCE, de son acronyme anglais), Libéria
À l’instar d’autres pays d’Afrique subsaharienne, le bois de chauffage et le charbon de bois sont les principales sources d’énergie utilisées au Libéria. Selon le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), jusqu’à 99,5% de la population du Libéria est tributaire des combustibles issus de la biomasse comme principale source d’énergie.
L’utilisation massive et persistante de la bioénergie au Libéria ne signifie pas nécessairement qu’il s’agit d’une alternative propre et verte aux combustibles fossiles ou d’une solution climatique viable. Cela résulte plutôt d’un déficit d’autres sources d’énergie renouvelables, les communautés n’ayant pas d’autre choix que de satisfaire leurs besoins en énergie en brûlant du bois.
Les femmes libériennes, en particulier les femmes rurales, supportent le plus lourd fardeau humain de la crise énergétique par le temps et les efforts déployés pour collecter le bois et l’eau, ainsi que pour cultiver et vendre la nourriture. Cette situation est aggravée par l’augmentation des distances parcourues pour le bois en raison de la disparition des forêts avoisinantes. Cette charge impose un recul sur l’éducation et la promotion économique des femmes et des filles.
En 2015, le Gouvernement libérien s’est doté de mesures ambitieuses afin de reconstruire son infrastructure électrique à la suite d’une guerre civile qui avait détruit une grande partie du secteur de l’électricité du pays. Avec environ 12%, le Libéria a l’un des taux d’accès à l’électricité les plus bas au monde. Dans la capitale, Monrovia, moins de 20% de la population a accès à l’électricité. D’ici 2030, le Gouvernement libérien entend relier 70% de la population de Monrovia et donner accès à 35% de la population restante du pays.
En juin 2015, la législature libérienne a promulgué la loi créant l’Agence de l’énergie renouvelable rurale (AERR), un objectif politique de longue date soutenu par l’USAID dans le cadre de son programme Power Africa. La AERR a par la suite fourni un soutien politique à la bioénergie en tant qu’énergie renouvelable. Avec l’appui supplémentaire de l’USAID, le Libéria a depuis mené à bien trois projets pilotes d’énergie renouvelable reliant 564 ménages ruraux utilisant des panneaux solaires, des copeaux de bois d’hévéa et de l’huile de palme brute. [1]
L’USAID a également apporté son soutien à la mise en service du projet de biomasse Kwendin, qui produit de l’électricité à partir d’un système de gazéification de la biomasse utilisant des copeaux de bois d’hévéa.
Bien que les investissements dans les chaînes d’approvisionnement en biomasse impliquant le charbon, le bois et les résidus agricoles offrent des avantages socio-économiques grâce à la sécurité énergétique temporaire et à la création d’emplois, pour certaines personnes, les impacts négatifs l’emportent sur les avantages économiques de la génération de revenus. L’électrification rurale utilisant des sources d’énergie beaucoup plus sûres et plus fiables, telles que l’hydroélectricité à petite échelle et l’énergie solaire, est une nécessité urgente pour remplacer l’utilisation de la biomasse. Cela aurait pour avantage supplémentaire de ralentir la dégradation croissante de l’environnement et les impacts sociaux qui entravent la sécurité et le développement des communautés.
Bien que l’énergie reste un moteur important du développement du Libéria, la poursuite des activités habituelles avec l’utilisation de la biomasse comme source d’énergie primaire, à petite et grande échelle, ne fera qu’aggraver le problème croissant de la déforestation et de la dégradation de l’environnement, déjà ressenti par les communautés rurales.
L’utilisation continue de la biomasse à des fins énergétiques et le remplacement des forêts naturelles par des plantations d’arbres en monoculture, tels que des hévéas, des palmiers à huile et d’autres cultures énergétiques, dégradent davantage l’environnement. Il en résulte une perte de biodiversité, l’érosion des sols, la pollution de l’air intérieur et une charge de travail accrue qui affecte principalement les communautés rurales, en particulier les femmes. Le Libéria abrite environ 42% de la forêt restante en Afrique occidentale, qui comprend le point chaud de la biodiversité de la forêt de la Haute Guinée, qui s’étend à travers le pays. Toutefois, il risque d’être considérablement dégradé afin de fournir de grandes quantités de biomasse de bois.
L’Union européenne (UE) a admis que les biocarburants pourraient être quatre fois plus dommageables pour le climat que les carburants classiques en raison de leurs impacts indirects. [2] Néanmoins, ces impacts sont ignorés dans les discussions politiques. Promouvoir la bioénergie basée sur le bois ne tient pas compte du fait qu’une augmentation rapide de la demande en bois aura d’énormes impacts négatifs sur les forêts du monde et les communautés tributaires des forêts qui souffrent déjà des effets de la monoculture d’arbres qui s’étend sur leurs terres.
Compte tenu des impacts négatifs de la bioénergie mentionnés plus haut, il est urgent de mettre en place une politique énergétique nationale solide allant au-delà de la bioénergie, dû en particulier aux besoins énergétiques croissants du Libéria. Une telle politique doit donner à la population l’accès à des formes d’énergie plus propres et moins nocives et ne pas lier le pays à une combustion obsolète et dangereuse, qu’il s’agisse de bioénergie ou de combustibles fossiles.
[1] https://www.usaid.gov/powerafrica/liberia
[2] http://www.globalforestcoalition.org/wp-content/uploads/2010/10/briefing-paper-bioenergy_final_1.pdf
Équipe éditoriale : Coraina de la Plaza, Isis Alvarez, Jeanette Sequeira, Juana Vera Delgado, Kwami Kpondzo, Oliver Munnion, Simone Lovera et Rachel Smolker
Éditeur : Oliver Munnion
Designer graphique : Oliver Munnion
Cette édition de Forest Cover a été rendue possible grâce au soutien de EU-DEVCO et de la Société suédoise pour la conservation de la nature (SSCN). Il a été inspiré par un événement de partage de connaissances en Afrique de l’Ouest organisé en mars 2019 avec le soutien de SSNC et de l’American Jewish World Service. Les opinions exprimées par nos contributeurs ne sont pas nécessairement celles des donateurs.