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Couvert Forestier 56 – Conservation communautaire en Afrique

Bienvenue à la 56ème édition de Couvert Forestier, le magazine de la Coalition mondiale des Forêts.

Il fournit un espace aux défenseurs de la justice environnementale du monde entier pour présenter leurs points de vue sur les politiques internationales relatives aux forêts.

Nous avons le plaisir de vous présenter cette édition spéciale de notre bulletin d’information, le Couvert Forestier n°56, sur la conservation communautaire en Afrique. Ce numéro alimente également les discussions de la Conférence des Parties (COP) de la Convention sur la diversité biologique qui aura lieu en Égypte au mois de novembre. La dernière COP sur la diversité biologique qui a eu lieu en Afrique, c’était déroulée il y a 18 ans.

La riche biodiversité de l’Afrique fait face à de multiples menaces par les activités extractives et industrielles. Dans ce numéro, nous soulignons cinq exemples fantastiques d’efforts de conservation et de génération de moyens de subsistance menés par les communautés. Ces récits provenant de l’Ouganda, de la République démocratique du Congo, du Kenya, de l’Afrique du Sud et de la Tanzanie révèlent certaines des menaces auxquelles sont confrontés de tels efforts de conservation communautaire et démontrent également comment les Peuples Autochtones et les communautés locales s’arment de leurs savoirs traditionnels et de leurs pratiques coutumières afin de protéger et conserver la biodiversité au sein de leurs territoires. Ces articles font d’importantes recommandations sur le type de soutien politique qui pourraient renforcer les initiatives communautaires.

Nous espérons que les décideurs politiques, les activistes, les membres des communautés, les intellectuels ainsi que les journalistes du monde entier s’inspireront de ces exemples pratiques. Bonne lecture à vous tous !

Vous pouvez télécharger la version à imprimer ou lire les articles individuellement ci-dessous. Pour vous abonner à la lettre d’information, veuillez écrire à gfc@globalforestcoalition.org.

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Table des matières
Éditorial: La conservation communautaire: une approche stratégique pour sauver la planète.
La conservation communautaire: un moteur pour des moyens de subsistance communautaires durables
Les savoirs endogènes pygmées sont au coeur de la résilience et de l’adaptation en République démocratique du Congo
L’engagement des Peuples Autochtones en faveur de la conservation et de la durabilité au Kenya
Les arbres et les couches menacent les communautés et la biodiversité
Les communautés tanzaniennes s’organisent en faveur de la conservation environnementale


Éditorial: La conservation communautaire: une approche stratégique pour sauver la planète.

Par : Kwami D. Kpondzo

Paysage pastoral, Kenya. Jeanette Sequeira/GFC

L’Afrique est une des haut lieux de la biodiversité mondiale : il s’agit d’un continent riche en ressources naturelles, telles les forêts. Actuellement, la gouvernance durable des forêts africaines fait face à de nombreux défis.

Ce numéro de Forest Cover est dédié à explorer les défis et les réussites des communautés forestières en Afrique. D’une part, les habitants des forêts africaines font face à de nombreux enjeux et d’autre part, ces communautés font valoir leurs droits et mettent en œuvre de bonnes pratiques qui leur permettent de protéger la biodiversité locale et ainsi assurer leurs moyens de subsistance.

Nous sommes heureux d’annoncer qu’il s’agit du premier exemplaire de Forest Cover à se consacrer aux initiatives de conservation communautaires en Afrique. Ce numéro donne aux membres de la Coalition Mondiale des Forêts et aux participants de l’Initiative sur la Résilience de la Conservation Communautaire (IRCC), l’opportunité d’informer le monde au sujet de leurs pratiques de conservation communautaires. Les initiatives de conservation communautaires sont importantes pour la gestion forestière et la protection de la biodiversité en Afrique. Grâce à ces initiatives, les communautés sont plus aptes à comprendre l’importance de leurs savoirs traditionnels et de leurs pratiques en lien avec la conservation. D’ailleurs, l’IRCC se base sur des méthodes participatives incluant le Consentement libre, préalable et éclairé (CLPÉ). Les communautés sont libres de choisir ce qu’il y a de mieux pour elles.

Il est primordial de se rappeler que la biodiversité est cruciale pour l’ensemble des humains. La biodiversité nous fourni de la nourriture et des remèdes. Un environnement riche en biodiversité nous apporte des valeurs culturelles telles un enrichissement spirituel, un développement intellectuel ainsi que des valeurs récréatives et esthétiques. Ces écosystèmes contribuent à la régulation du climat en capturant le carbone et en régulant les flux d’eau. L’exploitation forestière sans précédent conduit à la destruction des écosystèmes et à la perte de la biodiversité, causant de graves souffrances aux communautés.

Les moyens de subsistance des communautés dépendent des forêts et de la biodiversité. Les personnes dépendent de la forêt afin de combler leurs besoins et leurs problèmes particulièrement en lien avec l’accès à la nourriture et pour remédier aux problèmes de santé. En gardant à l’esprit les fonctions essentielles de la nature, il est capital de la conserver, non seulement pour l’intérêt de l’humanité, mais également pour le bien de la nature elle-même. Les communautés locales et les Peuples Autochtones font ce travail depuis des millénaires par l’entremise de leurs propres efforts à travers le monde, surtout en Afrique. Dans le cadre de leurs pratiques de conservation coutumières afin de prévenir la destruction des forêts et la perte de la biodiversité, les peuples ont attribué un caractère sacré aux forêts et ont interdit la chasse durant certaines saisons. Ce genre d’initiatives de conservation communautaires doit être reconnu et encouragé afin de sauver la planète.

Pêcheur pygmée, RDC. PIDP-KIVU/GFC

Ce numéro de Forest Cover comporte cinq articles sur les initiatives de conservation communautaires en Afrique. La République démocratique du Congo, le Kenya, l’Afrique du Sud, la Tanzanie et l’Ouganda sont présentés comme des exemples de la reforestation d’espèces autochtones d’arbres et des projets d’apiculture. Les articles examinent les moyens et les ressources que les différentes communautés ont utilisés lors de ces initiatives communautaires, tout comme les défis qu’elles ont dû surmonter. Les communautés sont confiantes de leurs savoirs traditionnels et de leurs pratiques.

La riche biodiversité de l’Afrique fait face à de nombreuses menaces causées par les activités humaines, telles les industries extractives, l’agriculture industrielle et les plantations en monoculture. Ces activités sont les causes de la perte de la biodiversité et des changements climatiques qui affectent dangereusement les communautés locales et leurs moyens de subsistance. Le changement climatique et l’augmentation des températures moyennes conduisent à la sécheresse, aux inondations et au déplacement des communautés. La sécheresse provoque de sérieux impacts sur la faune, les récoltes et les cours d’eau. Les inondations détruisent les maisons ainsi que les terres cultivables et perturbent temporairement les activités agricoles des communautés. Les bergers sont particulièrement vulnérables à la sécheresse causée par les changements climatiques et la perte de biodiversité : trouver de la nourriture et de l’eau pour leurs animaux et pour eux-mêmes devient de plus en plus pénible et ardu.

Les industries extractives, l’agriculture industrielle et les plantations en monoculture sont souvent accompagnées d’accaparement des terres, de la destruction des forêts, du déplacement des communautés et de conflits. Les terres communautaires sont saisies sans compensation. Les forêts où les communautés résident et sur lesquelles elles dépendent pour assurer leurs moyens de subsistance sont détruites sans que des moyens alternatifs leurs soient proposés. Le niveau de conflit et de violence entre les communautés locales, le gouvernement et les entreprises multinationales qui sont à l’origine du saisissement territorial et de la destruction forestière, a considérablement augmenté. Les conflits internes des communautés sont de plus en plus présents comme résultat de la pratique de « diviser pour régner » et des déplacements des communautés. Ces conflits détruisent les communautés et leurs moyens de subsistance.

Trouver et promouvoir les véritables solutions du changement climatique pourrait résoudre ces conflits, mais, étonnamment, la plupart des solutions couramment proposées afin de surmonter la crise climatique globale, telles les schémas afin de réduire les émissions dues au déboisement et à la dégradation des forêts (REDD), ne font qu’empirer la situation. Le désespoir des communautés augmente suite à la mise en œuvre de projets REDD qui limitent leur l’accès et le contrôle de leurs terres et territoires. Ce numéro explore des solutions réellement efficaces, comme les initiatives de conservation communautaire.

Renforcer les mouvements locaux et la solidarité sont les éléments-clés de la conservation communautaire : en effet, ils permettent aux communautés de partager leurs expériences de la mise en œuvre de leurs connaissances et pratiques traditionnelles. La solidarité autour des initiatives de conservation communautaires innovatrices ainsi que la promotion des bonnes pratiques de conservation communautaires changeront le monde de manière positive.


La conservation communautaire: un moteur pour des moyens de subsistance communautaires durables

Par David Kureeba, Association Nationale des Écologistes Professionnels (ANEP) Ouganda

Formation communautaire sur la nécessité de conserver les ressources bio-culturelles en Ouganda. David Kureeba

L’Initiative pour la Résilience de la Conservation communautaire (IRCC) est importante en cette ère de changements climatiques. Les initiatives de conservation communautaire doivent être priorisées lorsque les territoires africains, incluant les forêts, les marécages ainsi que les lieux naturels sacrés, sont de plus en plus visés pour l’industrialisation par les entreprises.

En Afrique, nos gouvernements tendent à ne pas affirmer la participation des communautés locales lors des processus décisionnels, les femmes étant encore plus marginalisées du pouvoir de décision. Cette situation pose un enjeu pour les initiatives de conservation communautaire. C’est pour faire face à cette embûche que le projet de l’IRCC a été initié.

Le projet de l’IRCC s’est servi d’une démarche ascendante afin d’évaluer la résilience de la gamme d’initiatives et d’approches bio-culturelles des communautés autochtones et locales afin de conserver et de restaurer la biodiversité. L’aide potentielle aux niveaux légal, politique, socio-économique, financier, technique et le renforcement des capacités afin de soutenir et solidifier leurs initiatives et leurs approches, ont également été analysés par l’IRCC.

L’évaluation de huit communautés en Ouganda a permis d’analyser les droits, les rôles et les besoins spécifiques des femmes dans les approches bio-culturelles de la conservation et de la restauration de la biodiversité. L’analyse examinait l’implication des outils importants des droits humains, en particulier ceux liés aux droits des Peuples Autochtones.

La démarche de l’évaluation avait comme objectif de contribuer au développement de politiques de conservation et de restauration de la biodiversité financièrement saines, écologiquement et socialement durables, et axées sur les droits. À cette époque de variations climatiques visibles, les bonnes politiques sont celles qui proposent des formes de soutien efficace et adéquat envers les approches bio-culturelles endogènes de la conservation et de la restauration de la biodiversité mises en œuvre par les communautés autochtones et locales, dont les aires et territoires du patrimoine autochtone et communautaire (APAC), par exemple.

L’évaluation a révélé que les différentes communautés possèdent différentes compétences et ressources qui leur sont très chères. Ces ressources uniques regroupent des cultures vivrières, des espèces de plantes et d’animaux, ainsi que des lieux naturels sacrés, des forêts et des collines. Alors qu’originellement les communautés autochtones désiraient poursuivre l’utilisation et la transmission des savoirs traditionnels, il a été constaté que la génération actuelle, souvent influencée par le gouvernement et les groupes religieux, qualifiait certaines de ses valeurs ancestrales comme sataniques et organisait des campagnes haineuses contre les modes de vie traditionnels. Ces événements nourrissent l’affaiblissement des pratiques de conservation traditionnelles, telles la conservation des semences, l’élevage animal et la protection des lieux naturels sacrés qui s’avèrent être des réservoirs de biodiversité qui assurent la survie à long terme des écosystèmes. Ils détériorent aussi les processus traditionnels.

Il convient de noter que la plupart des gouvernements africains chérissent les investisseurs au détriment des moyens de subsistance communautaires et de la protection de la biodiversité. En Ouganda, le régime de droit foncier est trop fragile et est une proie vulnérable pour les investisseurs sans scrupules. Si un investisseur soumet un projet de développement pour un territoire communautaire, l’accès à ces terres lui sera facilement accordé. Dans la plupart des cas, les propriétaires communautaires des terres sont injustement compensés et ne sont pas réinstallés, causant ainsi du déplacement interne.

Certains des produits récoltés sur les terres communautaires par des groupes participants à l’Initiative sur la Résilience de la Conservation communautaire. David Kureeba

L’IRCC s’est intéressé à savoir comment les communautés peuvent prendre position contre les investisseurs malveillants et leurs plans de développement destructeurs, ainsi qu’à promouvoir activement des projets de développement qui améliorent les moyens de subsistance des communautés. L’Initiative sur la Résilience de la Conservation communautaire créé une prise de conscience parmi les communautés et développe leurs capacités à dialoguer avec les investisseurs et les gouvernement pour s’assurer que leurs droits soient respectés.

L’introduction de l’huile de palme et autres plantations dans la plupart des pays africains, particulièrement en Ouganda, a engendré de nombreux problèmes relatifs aux droits humains : entre autres, l’accaparement de forêts et de territoires communautaires laissent les femmes, les enfants et les aînés dans la souffrance. L’utilisation massive de produits chimiques dans le secteur de l’huile de palme a également affecté et pollué la majorité des sources d’eau des communautés ainsi que des zones tampons des lacs.

La terre et l’ensemble des ressources naturelles présentes sur les territoires constituent la base des moyens de subsistance communautaires. Une fois que l’important facteur de production primaire est nié aux communautés, les problèmes s’ensuivent. En effet, les communautés dépendent de leurs territoires pour récolter leur nourriture et leurs remèdes. Ils croient fermement en leur droit à la propriété de leurs terres ancestrales.

Les communautés ougandaises et à travers l’Afrique ont été confrontées à des défis liés au programme REDD+, pour lequel les communautés sont convaincues de participer aux projets de capture du carbone. Ceci est arrivé à Bukaleba, dans le district de Mayuge, en Ouganda. Alors que REDD+ cible supposément la conservation des forêts naturelles et vise à bénéficier les petits agriculteurs et les communautés tributaires des forêts, cette approche s’avère fausse puisqu’elle favorise les entreprises et les gouvernements au détriment des moyens de subsistance des populations autochtones. De manière semblable, l’idée de l’agriculture « Climate-Smart » n’encourage absolument pas la protection des semences autochtones et de la nourriture traditionnelle qui permettent la souveraineté alimentaire des communautés.

Un autre problème est que le gouvernement a des connaissances limitées à l’échelle communautaire en ce qui a trait à l’égalité et à l’équité. Malgré le fait que l’Ouganda possède déjà une politique très inclusive en matière de genre, il est nécessaire que la connaissance de cette politique répercute sur le personnel du district et de la communauté pour s’assurer que le genre soit apprécié et que le programme sensible au genre soit budgétisé. Cette approche favorisera l’inclusion des femmes dans les démarches de planification ainsi que les processus décisionnels, et que leurs préoccupations soient entendues, compte tenu du fait que les femmes et les enfants sont les plus affectés par les processus de développement.

Le gouvernement, les compagnies privées et les partenaires de développement doivent respecter les droits des communautés tributaires aux forêts et autres populations locales de différentes circonscriptions. Il est important de noter que la terre est un facteur de production primaire et qu’une fois celle-ci perdue, la vie des communautés et leurs moyens de subsistance disparaissent à leur tour. Les programmes internationaux tels que REDD+ et les paiements pour les services éco-systémiques sont de fausses solutions aux changements climatiques : de fait, la réduction des émissions devrait être priorisée à la source des émissions.

Les plantations ne sont pas des forêts et la conservation forestière devrait être réalisée par les communautés et pour le bénéfice des communautés. Les Peuples Autochtones et leurs modes de vie ont permis la conservation de l’environnement global durant des millénaires, et leurs philosophies ainsi que leurs méthodes doivent être respectées et adoptées si l’on veut atténuer les changements climatiques.


Les savoirs endogènes pygmées sont au coeur de la résilience et de l’adaptation en République démocratique du Congo

Par Diel Mochire, PIDP-KIVU, RDC

Hommes de la communauté des Pygmées Bambuti Babuluko. PIDP-KIVU/GFC

La République démocratique du Congo est au centre de l’Afrique. Il est le deuxième poumon forestier, après l’Amazonie. Riche en biodiversité, ses écosystèmes forestiers sont internationalement reconnus comme hébergeant une diversité biologique et ressources naturelles de haute importance et notamment des foyers d’endémisme tant en ce qui concerne les espèces animales que végétales. Elle héberge l’habitat d’espèces « phares » pour la conservation (comme les gorilles de montagne du Parc national de Kahuzi-Biega, et ceux des forêts d’Ikobo-Pinga). A côté de cette diversité biologique se trouvent les ressources minières et hydriques, qui attirent l’attention et la convoitise des sociétés multinationales.

Les pygmées premiers conservateurs des forêts et des ressources naturelles
La République Démocratique du Congo est constituée de quatre grands groupes ethniques, parmi lesquels les Bantous, les Nilotiques, les Soudanais et les Pygmées. Étant chasseurscueilleurs, les autochtones pygmées sont les premiers habitants. Ils sont reconnus par leur mode de vie distinct et leur culture conservatrice de la nature. Ils développent un mode de vie semi-nomade dans les hautes forêts montagneuses de la région des Grands Lacs, en Afrique centrale.

Ils sont souvent considérés comme les gardiens des ressources biologiques de la planète. Leurs modes de vie et croyances sont réputés contribuer à la protection de l’environnement et des ressources naturelles dont ils dépendent. En outre, selon le rapport Indigenous and Traditional Peoples of the World and Ecoregion Conservation : An Integrated Approach to Conserving the World’s Biological and Cultural Diversity, 95% des écorégions du monde où la diversité est la plus riche, mais à la fois la plus menacée, se trouvent au sein de territoires autochtones. Par conséquent, la question de savoir si la reconnaissance pleine et entière des droits des peuples autochtones pourrait avoir un effet positif sur la protection de la biodiversité mérite d’être plus amplement considérée.

Le Peuple Pygmée possède une connaissance approfondie des ressources naturelles localisées dans leur milieu de vie grâce à leurs rapports quotidiens avec la forêt. Cette connaissance est mise au profit, et sert à la conservation des forêts et des ressources naturelles. Par leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs et leurs pratiques culturelles, ils sont des collaborateurs privilégiés de la conservation.

Ils ont d’ailleurs su habituer les gorilles à la présence humaine: en effet, le Parc National de Kahuzi-Biega (PNKB) a été, au début des années 1970, le premier parc au monde à organiser des visites afin de voir ces primates dans leur environnement naturel. En 1996, pendant la guerre, au moment où l’Institut Congolais pour la Conservation de la Nature (ICCN) avait perdu le contrôle du parc, les Pygmées ont d’eux-mêmes protégé et gardé les familles de gorilles dans les secteurs touristiques.

En outre, ils sont les guides des touristes. Ils collaborent avec les chercheurs scientifiques et ils contribuent de façon très significative aux travaux ardus sur la conservation en apportant des informations précises sur les espèces fauniques, floristiques et aquatiques : identification, distribution, écoéthologie, utilisation du milieu, usage traditionnel des espèces par les communautés pygmées. Ils mériteraient bien souvent de figurer comme co-auteurs des travaux scientifiques, mais ceci ne semble pas être une option pour les chercheurs qui, pour leur part, sont responsables de la bio-piraterie des connaissances des peuples autochtones pygmées.

Grâce à leurs savoirs approfondis sur la forêts, les Pygmées sont d’une aide
incontournable pour la lutte antibraconnage. Ils assurent et fournissent des informations précises et claires sur les mouvements des braconniers. C’est grâce à leurs efforts, que le massacre des gorilles et des éléphants a été réduit de 25% dans les parcs nationaux et les forêts naturelles. Avec leur aide, plus de 3 000 collets métalliques ont été saisis en un seul mois, ce qui a épargné les petits mammifères. En dénonçant les fraudeurs, ils contribuent à la réduction des entrées illégales au sein des parcs nationaux. Leur implication se marque également par deux cérémonies traditionnelles de 15%. La première, dite « rite aux moutons », a lieu une fois par an : elle vise la sauvegarde des gorilles lors des calamités naturelles et des attaques extérieures. La deuxième est l’intronisation du chef du parc pour que celui-ci protège efficacement la forêt et ses ressources, surtout les gorilles.

Babuloko, en territoire de Walikale: la première concession forestière délivrée aux Pygmées
La première concession communautaire à être remise aux mains des peuples autochtones par le gouvernement congolais selon le décret du gouverneur de la province est dénommée « Kisimbosa Chamakasa » qui signifie terre fertile. Elle est constituée de 5 principales collines désignant Chamakasa dont Chankuba, Mashogho, Mabaka, Kambushi et Sankakemenge. La concession forestière d’approximativement 15 101 hectares regroupe 4 villages pygmées Babuluko,parmi lesquels Kissa, Kilali, Lufito et Kambushi.

Le processus de la foresterie communautaire est basé sur le cadre légal existant et établi par la République démocratique du Congo.

Ceux-ci sont composés de : la constitution de la République, notamment à ses articles 34, 53, 56 et 207 ; la loi n°011/2002 du 29 août 2002 portant sur la code forestier en République démocratique du Congo, ses articles 22, 111, 112 et 113 reconnaissant et protégeant le droit des possessions coutumières des forêts par les communautés ; le décret n°14/018 du 02 août 201’ fixant les modalités d’attribution des concessions forestières aux communautés locales ; et l’arrêt ministériel n°025/CAB/MIN/ECNDDCCJ/00/RBM/2016 du 09 février 2016 portant sur les dispositions spécifiques relatives à la gestion et à l’exploitation de la concession forestière des communautés locales.

L’objectif et but poursuivi est de garantir et assurer la gestion et l’utilisation durable des forêts et des ressources naturelles au profit des générations actuelles et futures. De part ses caractéristiques, le processus est unique, participatif et inclut toutes les parties prenantes, les couches sociales et socioprofessionnelles (jeunes, femmes, vieux sages, Bantous et Pygmées, les autorités locales et coutumières).

Cette zone est occupée depuis de millénaire par les peuples autochtones. Des droits coutumiers y sont exercés. Grace à leurs savoirs et pratiques traditionnels de conservation, cette zone garde son état naturel malgré les multiples menaces auxquelles elle fait face. Il y a lieu de noter que les
communautés pygmées Babuluko ont développé des pratiques et attitudes qui leur ont permis de résister à ces défis et menaces.

Rôles joués par la femme pygmée dans la conservation des zones bio culturelles

Femmes de la communauté des Pygmées Bambuti Babuluko. PIDP-KIVU/GFC

Les êtres humains sont au centre des préoccupations relatives au développement durable. Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. Les femmes ont un rôle fondamental à jouer dans l’adoption de modes de consommation, de production et de gestion des ressources naturelles durables et écologiquement rationnels, comme en ont convenu la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement et la Conférence des Nations Unies sur la population et le développement.

Les femmes assurent la subsistance de leur famille et de leur communauté en gérant et utilisant judicieusement les ressources naturelles. En tant que consommatrices et productrices et parce qu’elles prennent soin de leur famille et éduquent leurs enfants, en raison aussi du souci qu’elles ont de préserver la qualité de la vie pour les générations présentes et futures, les femmes ont un rôle important à jouer dans la promotion du développement durable.

Il faudrait reconnaitre le rôle des femmes rurales et des travailleuses du secteur agricole et prêter une attention particulière à leur situation partout où, en leur ouvrant l’accès à une formation, à la terre, aux ressources naturelles et aux facteurs de production, au crédit, à des programmes de développement et à des structures coopératives, on peut les aider à participer davantage au développement durable. L’exposition à des risques écologiques au foyer et au travail peut avoir une incidence disproportionnée sur la santé des femmes parce que leur réaction aux effets toxiques des divers produits chimiques est différente de celle des hommes. La santé des femmes est particulièrement menacée dans les zones urbaines comme dans les zones à faible revenu où il existe une forte concentration d’établissements industriels pollueurs.

Défis internes et externes à la conservation communautaire
• Exploitation artisanale illégale du bois et minière dans les zones et
territoires autochtones sans consentement libre, préalable et éclairé des peuples autochtones pygmées.
• Le développement de la technologie
• Création et extension des aires protégées sans le consentement libre,
préalable, éclairé en connaissance de cause des communautés ;
• `Développement des pratiques portant atteintes et menaces à la culture des peuples autochtones pygmées Babuluko ;
• La déconsidération sociale dont sont sujets les peuples autochtones en
territoire de Walikale, est une des causes de la non accessibilité aux
ressources naturelles ;
• Croissance démographique ;
• Spoliation, accaparement des terres, etc.
• Octroi des permis des chasses aux communautés locales qui organisent la
chasse clandestine ainsi que la pêche sur le territoire autochtone pygmée
Babuluko ;
• Présence des groupes armés constitués des communautés locales (Bantous) voisins des peuples autochtones pygmées Babuluko et qui sont à la base de l’insécurité dans la zone. Ces groupes armés organisent des pillages dans les villages autochtones pygmées tels que Kissa ;
• Inadaptation des textes légaux aux réalités locales de gestion et de
gouvernance des ressources naturelles par les communautés Babuluko ;
• Agriculture sur brûlis pratiquée par les communautés Bantous voisins des
peuples autochtones pygmées Babuluko ;
• Le projet d’établissement d’un couloir écologique qui partirait de Itombwe passant Walikale jusqu’à Mont Oyo, incluant même Watalinga ;
• Les régimes juridiques applicables aux autres ressources naturelles, à
l’instar des mines et des hydrocarbures, ne reconnaisse pas l’appropriation
coutumière.

Principales recommandations
• Règlementation communautaire de la chasse et de la pêche ;
• Education environnementale aux enfants et à toutes les couches sociales ;
• Valorisation des savoirs et pratiques traditionnels des peuples autochtones par la fabrication des oeuvres d’arts et l’organisation des
manifestations culturelles ;
• Mise en place d’un plan d’intensification agricole et la lutte contre l’agriculture sur brulis ;
• La mise en place des initiatives de lutte contre la pauvreté par la
promotion des Activités Génératrices des revenus – AGR.


L’engagement des Peuples Autochtones en faveur de la conservation et de la durabilité au Kenya

Par Lucy Mulenkei, Indigenous Information Network (IIN) et Edna Kaptoyo, International Alliance of Indigenous and Tribal peoples of the Tropical Forests (IAITPTF)

Une femme autochtone Massaï s’exprimant lors de la rencontre communautaire de l’IRCC. Edna Kaptoyo

Au Kenya, les territoires des Peuples autochtones abritent une importante biodiversité. La gestion des forêts par les Peuples autochtones fournit des avantages sociaux, culturels, économiques et environnementaux. Les groupes autochtones tels les Massaï de la forêt de Nyekweri Kimintet et les Redille du Mont Marsabit vivent en harmonie avec la faune et conservent les forêts grâce à leurs lois et valeurs coutumières. La forêt de Nyekweri Kimintet, située à la frontière du fameux Parc national Massaï Mara, représente une zone de reproduction importante pour les éléphants de la réserve. Afin de lutter contre les menaces externes de la conservation, la communauté Massaï a constitué une fiducie afin d’assurer la continuité de la conservation de la biodiversité ainsi que pour prévenir la conversion des forêts en terres arables. Les résultats de l’Initiative de résilience pour la conservation communautaire de 2017 au Kenya ont montré que les Peuples autochtones, en particulier les femmes, jouaient un rôle-clé dans la conservation de la biodiversité et le maintien des connaissances traditionnelles liées à la conservation en assurant la transmission intergénérationnelle des connaissances et des valeurs vitales. Au Kenya, les Peuples autochtones entretiennent une connexion unique et solide avec l’environnement naturel, et les valeurs relatives à la conservation son ancrées dans leur culture. Par exemple, traditionnellement, les Rendille ne coupent des branches d’arbres que pour la construction de maisons et ils récoltent les plantes médicinales de manière durable. En tant que bergers, les communautés Rendille planifient leurs routes migratoires afin de permettre la régénération de la végétation, assurant ainsi une source durable de nourriture pour leur bétail.

La faune paissant dans la région de Kimintet. Edna Kaptoyo

Le gouvernement kényan a adopté une politique et un cadre légal compréhensif pour la protection de l’environnement. La loi sur la gestion et la coordination de l’environnement revendique plusieurs droits et obligations environnementales. Les principes généraux de cette loi se retrouvent à l’article 42 de la Constitution de 2010 qui octroie à chaque citoyen le droit de s’épanouir dans un environnement propre et sain y compris le droit de protéger l’environnement au profit des générations actuelles et futures. Présentement, le gouvernement révise ses stratégies et plans d’action nationaux pour la biodiversité (SPANB), et il semble que celui-ci reconnaisse l’importance de la conservation communautaire et les savoirs traditionnels dans l’accomplissement d’actions stratégiques exposées dans les SPANB. Au Kenya, la conservation communautaire a, sans aucun doute, grandement contribué à l’accomplissement des objectifs d’Aichi pour la biodiversité 13 et 15, tout comme d’autres buts transversaux.

Toutefois, la conservation communautaire au Kenya fait face à de nombreux défis. En effet, un de ces enjeux est l’effet des changements climatiques qui cause de graves sécheresses, l’extinction d’espèces et autres effets négatifs. À une époque où de nombreuses personnes choisissent d’abandonner la conservation communautaire, les populations Massaï et Rendille affirment que leurs terres sont une partie d’eux-mêmes et que la protection de l’environnement est essentielle à leurs moyens de subsistance et à leurs pratiques culturelles. Comme le souligne une femme autochtone, « nous ne pouvons parler de la protection des populations autochtones et des droits des femmes sans protéger et conserver les terres et les ressources desquelles nous faisons partie. » Un autre défi est le manque de protection juridique des forêts communautaires par les lois et les institutions départementales et nationales. En pratique, le cadre juridique reconnaît le rôle des forêts communautaires dans la conservation de la biodiversité et des services éco-systémiques, mais n’encourage pas les communautés à renforcer leurs activités de conservation.

La vision de la communauté autochtone est de voir la terre, les forêts et les ressources naturelles conservées pour les générations futures tout en appelant à soutenir les initiatives de conservation communautaires des autorités environnementales, des partenaires de développement et des organisations des gouvernements nationaux et départementaux. Les Peuples Massaï et Rendille veulent sensibiliser le public au rôle bénéfique de la conservation communautaire à l’atteinte des objectifs d’Aichi, au renforcement des droits fonciers des communautés ainsi que leur engagement auprès des groupes autochtones et des groupes de femmes, défenseurs de la conservation environnementale. Un engagement significatif auprès des Peuples autochtones et des groupes de femmes est nécessaire afin de faire pencher la balance en faveur de l’utilisation durable et de la conservation au Kenya, et pour s’assurer que le gouvernement reste fidèle à ses engagements.


Les arbres et les couches menacent les communautés et la biodiversité

Par Phillip Owen, Geasphere, Afrique du Sud.

Une plantation d’eucalyptus est coupée en Afrique du Sud. Wally Menne

Le processus de l’Initiative pour la Résilience de la Conservation communautaire (IRCC) en Afrique du Sud a mis en évidence les enjeux environnementaux pertinents pour notre région et particulièrement préoccupants pour les communautés dépendant des écosystèmes locaux.

Nous pouvons constater autour de nous la dégradation de la nature, la désertification, l’appauvrissement de la biodiversité, la pollution causée par les mines, l’agriculture à grande échelle, les systèmes de transports à base de carbone ainsi que la consommation croissante des sociétés.

Tous les participants du processus local de l’IRCC sont d’accord pour affirmer que les plantations industrielles de bois constituent une des principales menaces pour l’intégrité environnementale, allant bien au-delà des zones physiques où elles sont cultivées.

Une des conséquences les plus immédiates de la création de plantations industrielles de bois est l’usurpation des ressources hydriques. Approximativement trois ans après la mise en œuvre de plantations d’eucalyptus, les ressources hydriques locales se sont vues grandement affectées. Dû à leurs immenses feuilles et leurs racines profondes, ce type de plantation consomme environs 35% plus d’eau que les espèces de pins, par exemples. De fait, les racines de l’eucalyptus peuvent atteindre des longueurs de plus de 50 mètres. Un seul arbre d’eucalyptus peut absorber plus de 100 litres d’eau par jour.

De plus, les plantations locales conduisent à la destruction des prairies, mettant ainsi en péril la « rétention d’eau » et les services de « prévention d’inondations » que cette végétation naturelle offre habituellement. Il est évident que l’érosion des sols a augmenté dans les zones de production de bois causant ainsi une turbidité plus élevée dans les autres ressources en eau qui, d’ailleurs, s’épuisent progressivement.

Les changements climatiques se manifestent par des températures de plus en plus extrêmes, des périodes prolongées de sècheresse brutalement cassées par de fortes pluies, des orages et des inondations. Même si ces évènements existaient bien avant la création de plantations de bois à grande échelle, aujourd’hui ils s’agrémentent d’une dégradation générale des terres et d’une fragmentation de l’habitat naturel.

Les plantations de bois sont hautement inflammables et cela cause un problème alarmant, particulièrement lors des périodes de sècheresse intense : en effet, il est possible que des plantations disparaissent sous des flammes incontrôlables conduisant ainsi a des pertes de vies et de moyens de subsistance ainsi qu’à des conséquences à long terme pour l’environnement en raison de la terre brûlée, morte, laissée dans le sillage de ces incendies intenses.

Les plantations de bois ne devraient pas être considérées comme des forêts. Les plantations de monoculture ne devraient pas être certifiées et légitimées par des systèmes de certification tels que le Forest Stewardship Council, à moins que le FSC valorise la diversité et l’utilité à plusieurs niveaux dans les compartiments de plantation de bois. Cet objectif pourrait être atteint en utilisant pleinement le «sous-étage» pour la production de denrées alimentaires, d’herbes et de cultures de fibres alternatives, et en incorporant des animaux dans le système, maximisant ainsi les possibilités d’emploi et le choix des moyens de subsistance.

La décharge de Mariannhill à Durban, en Afrique du Sud. BBC World Service

En outre, les plantations de bois devraient être « fragmentées » par la mise en place de plusieurs corridors écologiques (200 mètres minimum) qui agiraient comme réservoirs pour la nature et « zones tampons » afin d’aider à contrôler le feu. Ces corridors devraient être gérés pour maximiser la biodiversité naturelle de manière à promouvoir la résilience environnementale au niveau du paysage.

La création de plantations industrielles de bois est engendrée par la surconsommation de papier, de pâte à papier dont les produits sanitaires tels les couches qui nécessitent des montants significatifs de pâte de résineux. Ceci est révélateur du problème croissant des schémas de consommation mondiaux et de l’apathie générale envers l’environnement. Les participants de l’IRCC en Afrique du Sud ont également évoqué l’utilisation de couches jetables, dont l’utilisation a considérablement augmenté dans la région au cours des deux dernières décennies, car elles sont liées à un autre problème environnemental majeur affectant la nature et les communautés.

Dans une communauté où il existe des services et une infrastructure d’élimination des déchets bien établis, les couches jetables usagées se retrouvent dans les décharges, car elles ne peuvent pas être recyclées ou réutilisées. Le matériel absorbant et les composantes plastiques de ce type de couche les rendent extrêmement résistantes à la décomposition : en effet, dans des conditions d’enfouissement, les couches jetables peuvent prendre jusqu’à 500 ans pour se détériorer. Lorsque les décharges sont correctement construites et revêtues de matériaux non perméables, le problème des déchets est transféré aux générations futures. La plupart des décharges en Afrique du Sud ne sont pas «tapissées», de sorte que les déchets humains et les produits chimiques contenus dans les couches jetables s’infiltrent dans l’eau souterraine et dans l’environnement, entraînant une dégradation de l’environnement et une augmentation des risques de santé.

Plusieurs communautés en Afrique du Sud et sur le continent africain en général vivent dans des zones limitées en matière de services d’élimination des déchets. Dans ces cas, les gens jettent souvent les couches sur le bord de la route ou dans les différents cours d’eau à partir des ponts.

Les résidents locaux qui dépendent de ces sources pour leurs besoins en eau quotidiens sont les plus gravement touchés, confrontés à cette nouvelle menace croissante pour la santé et les moyens de subsistance. Au sud de l’Afrique, les praticiens de la santé traditionnels utilisent souvent les rivières et les ruisseaux pour leurs rituels et leurs pratiques curatives. Aujourd’hui, ces sites sont souvent compromis par les couches utilisées, une icône de notre société de consommation «jetable».

En Afrique du Sud, environs 4 milliards de couches jetables sont utilisées annuellement et il semblerait que nous puissions effectivement être décrits comme un « pays de merde ». Mais soyons clairs, au Royaume-Uni, en Allemagne, et aux États-Unis, respectivement 4 milliards, 5 milliards, et 40 milliards de couches jetables sont utilisées par an. À l’échelle mondiale, 450 milliards de couches sont utilisées chaque année, ce qui entraîne la mise en décharge d’environ 77 millions de tonnes de déchets solides.

Face à de tels chiffres, le besoin de changement est urgent et notre société mondiale se doit de faire un effort monumental et collectif. L’industrie des produits d’hygiène absorbante (par exemple Kimberly Clarke et Proctor & Gamble) doit consacrer davantage de ressources aux produits recyclables et/ou compostables en toute sécurité. Aussi, les couches lavables réutilisables devraient être encouragées et les solutions alternatives telles que la méthode de «l’hygiène naturelle infantile» doivent être testées.

Au minimum, les entreprises qui fabriquent ces produits devraient informer leurs clients des effets néfastes associés à l’utilisation de couches jetables afin de s’assurer que les consommateurs posent des gestes et décisions éclairées en exerçant leur choix.

Il est évident que nous vivons sur une planète fragile aux ressources limitées. Nous sommes inter reliés mondialement via des interactions complexes : tel l’effet papillon, ce que nous faisons dans un pays ou un continent affecte indéniablement d’autres régions. Les produits chimiques toxiques rejetés par les entreprises agroalimentaires et les entreprises minières polluent les terres et d’énormes îles de plastique, dans les océans, sont devenues un bien commun mondial. Parmi les diverses initiatives fomentées et les relations nées du processus de l’IRCC, une prise de conscience accrue s’est développée du fait que nous ne pouvons plus continuer sur la voie du consumérisme destructeur et que nous devrons agir collectivement pour que le changement se concrétise.


Les communautés tanzaniennes s’organisent en faveur de la conservation environnementale

Auteur: Salome Kisenge, Envirocare, Tanzanie

Membres de la communauté Kahe plantant des arbres dans leur forêt. Simone Lovera/GFC

Les hommes et les femmes du village de Ngasinyi (Kahe, district rural de Moshi, Kilimanjaro) ainsi que des villages de Wiri, Lawate et Sanya Juu ont mis en œuvre des activités de conservation communautaires avec l’aide d’Envirocare et le soutien de la Coalition mondiale des forêts.

Dans ces communautés, les personnes se sont organisées en groupes de travail sur la conservation de l’environnement afin de s’attaquer à la dégradation de leurs ressources naturelles locales.

Chaque village dispose d’un comité environnemental qui supervise les enjeux de la conservation de l’environnement, élabore les plans des villages et veille à l’application des règlements environnementaux.

Les membres de la communauté ont fait de leur mieux pour planter des arbres autochtones autour des rivières, là où leur présence est indéniablement nécessaire. Ils font aussi de l’apiculture pour leurs revenus et leurs moyens de subsistance.

Dans le village de Ngasinyi, la déforestation a commencé alors que les gens abattaient des arbres dans des forêts traditionnellement utilisées pour la préservation de la culture et la conservation de la biodiversité. Certaines personnes abattent des arbres pour la production de charbon de bois et en tant que combustible pour la fabrication de briques. Cette activité d’exploitation forestière commerciale est illégale en vertu de la loi forestière de 2002, de la politique forestière nationale de 1998 et de la politique environnementale de 1997.

Le village souffre également de la pollution de l’eau provenant des grandes plantations de maïs, de haricots ainsi que des rizières créées par des investisseurs. Les fuites d’huile des pompes à eau utilisées par les ouvriers agricoles dans les plantations polluent les sources d’eau utilisées par les populations locales pour l’irrigation et à des fins domestiques, ce qui constitue une menace pour la santé humaine et l’environnement. Parallèlement, le changement climatique est considéré comme la cause de la sécheresse : en effet, les sources d’eau locales s’assèchent à la suite de la diminution de précipitations et l’augmentation de longues périodes de soleil intense. Après que les villageois et les dirigeants locaux aient informé le commissaire de district et la police de l’enjeu de la contamination de l’eau, ils ont veillé à ce que les investisseurs cessent de polluer les cours d’eau et les pompes à eau ont été éloignées des sources d’eau locales.

Les habitants de Ngasinyi ont débuté des initiatives afin de planter des arbres autochtones autour des rivières locales et ont encouragé l’apiculture pour les bénéfices environnementaux et comme source de revenu.

Dans le village de Lawate, les membres de la communauté ont planté des arbres indigènes tels les arbres de Dakika Tatu (trois minutes), plus performants que les arbres étrangers qui contribuaient, pour leur part, à aspirer beaucoup d’eau des sols. Les arbres ont été fournis par le Conseil de district afin que la population puisse les planter dans leur région. Ceux-ci étaient autrefois plantés en raison de leur croissance rapide mais elles diminuaient la fertilité du sol. Les cultures de la région où les arbres Dakika Tatu ont été plantés n’ont pas donnée les résultats escomptés. Les membres de la communauté ont signalé la situation à la direction du village, qui a par la suite signalé ce problème au conseil de district de Siha. Ils leur ont ordonné de déraciner les arbres pour la conservation de l’environnement.

Les femmes des villages de Wiri et de Sanya Juu discutent et cartographient leurs ressources communautaires en biodiversité, leurs enjeux et leurs actions prioritaires pour la restauration. Salome Kisenge

Les habitants du village de Wiri, dans le district de Siha, ont également fait face à une déforestation croissante dans leur région. La déforestation avait particulièrement lieu autour des sources d’eau comme le lac Magadi (lac de carbonate de sodium) où des arbres avaient été plantés mais consommés ensuite par le bétail. Les communautés masaï vivant autour du lac Magadi considèrent les bovins, les chèvres, les moutons et d’autres animaux d’élevage comme faisant partie de leur culture. En raison des changements climatiques et de ses impacts négatifs sur les régimes des pluies, les arbres et l’herbe destinés à la consommation animale ont diminué, conduisant à une souffrance pour le bétail. Les longues périodes de soleil intense et de temps sec ont d’ailleurs nuit aux développement des arbres et de la couverture végétale. Suite à cette situation, les chefs de village, en collaboration avec les comités environnementaux, le responsable des ressources naturelles du conseil de district et l’équipe Envirocare, ont mené des campagnes de sensibilisation à la conservation de l’environnement et à la plantation d’arbres indigènes. Ces derniers sont bénéfiques pour la fertilisation des sols, la production fourragère, les médicaments, le bois de chauffage et les plantes ornementales.

Les flamants roses préfèrent demeurer autour du lac en profitant des caractéristiques naturelles que Dieu a créées. Toutefois, lors des périodes sèches, le lac se tarit et plus une goutte d’eau n’est perceptible causant par le fait même la disparition des les flamants. La situation s’est aggravée par le changement climatique qui prévaut dans la région et qui cause une pénurie d’eau. Les membres de la communauté du village de Wiri, sous la direction de leurs chefs de gouvernement locaux (agents exécutifs de village), plantent des arbres indigènes autour de leurs maisons, dans leurs fermes et autour du lac et des rivières et ce, à des fins de conservation.


Comité de rédaction : Ashlesha Khadse, Kwami Kpondzo, Mary Louise Malig et Simone Lovera
Éditeur : Michael Braverman
Traducteur : Danae Serinet Barrera
Conception graphique : Oliver Munnion

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Cette édition de Couvert Forestier a été rendu possible grâce au soutien de l’Initiative Internationale pour le Climat (IKI) du Ministère Fédéral Allemand pour l’Environnement, la Conservation de la Nature, et la Sécurité du Nucléaire (BMU). Les évaluations participatives du CCRI décrites dans ce numéro ont également été rendues possibles grâce aux contributions financières du Fonds Christensen et de la Fondation Siemenpuu. Les points de vue exprimés dans cette publication ne sont pas nécessairement ceux de nos contributeurs.

 

28 sept., 2018
Posted in community conservation resilience initiative, ressources et publications, Supporting Community Conservation, Forêts et Changement Climatique, Forest Cover