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Couverture forestière 53 – Ne laisser personne derrière : les droits communautaires et la conservation de la biodiversité

couverture forestiere 53

Bienvenue à la couverture forestière no 53, le bulletin de la Global Forest Coalition qui fournit un espace pour les activistes et militants de la justice environnementale du sud et du nord et leur permet de présenter leur point de vue sur les politiques forestières internationales.

Dans cette 53e édition de la couverture forestière, publié à la veille de la Convention sur la biodiversité et les discussions de décembre sur la conservation de la biodiversité et les objectifs de développement durable, nous nous concentrons sur la raison pour laquelle il est essentiel que personne n’est laissé pour compte, ce qui a été choisi comme le thème central de l’Agenda 2030. Quand il s’agit de l’effort des organisations intergouvernementales et nationales visant à préserver la biodiversité et les objectifs de développement durable, peu d’attention a été portée à la précieuse contribution des peuples autochtones et des communautés locales, en particulier les femmes. Après tout, la plupart des zones dégradées sont situés à l’extérieur de leurs territoires. Dans ce numéro, nous nous tournons vers les populations autochtones et les collectivités de partout dans le monde, y compris au Ghana, Kenya, Inde, Malaisie, Népal et Tanzanie – et vers la richesse de leurs connaissances et expériences sur la façon de conserver les richesses naturelles du monde et les utiliser de manière durable. Ces exemples montrent que la reconnaissance de leurs droits d’accès et d’utilisation de la biodiversité est essentielle afin d’atteindre les objectifs des instruments politiques pertinents tels que la Convention sur la diversité biologique (CDB), la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) et les objectifs de développement durable (ODD). Encourager les droits des peuples autochtones et la résilience des communautés locales est fondamental pour la réussite de la conservation de la biodiversité.

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26 octobre 2017 – C’est avec beaucoup de tristesse et regret que nous avons appris le décès de Wally Menne, un défenseur féroce de notre environnement, et le fondateur de l’une des plus appréciés groupes de membres, la Coalition Timberwatch. Nous avons perdu un phare dans la lutte contre la monoculture d’arbres, la dégradation de l’environnement et d’autres symptômes de l’avidité humaine. Le GFC pleure son départ, mais il est fier d’avoir partagé la même cause avec un tel grand homme. Nos cœurs sont avec sa femme, Rose, et ses fils, et avec tous ceux qui l’aimaient.

 

 

 

Table des matières
1. La conservation communautaire au Népal contribue à l’atteinte des objectifs d’Aichi pour la biodiversité et les objectifs de développement durable
2. Comment évaluer la contribution des peuples autochtones et des communautés locales à la CDB et son Plan stratégique ? Commençons par leur demander
3. Assurer la conservation communautaire et un point de vue local dans les Perspectives Mondiales de la Biodiversité
4. La lutte des communautés des forêts pour l’utilisation traditionnelle et coutumière des forêts en Inde
5. Sur les souris, les éléphants, et l’intégration de la gouvernance de la biodiversité

 


Les contributions de la Conservation Communautaire pour atteindre les objectifs pour la Biodiversité d’Aichi et les objectifs de Développement au Népal

Par Dil Raj Khanal, FECOFUN Conseiller en politique, Mrinalini Rai, GFC Conseiller Populations Autochtones et Genre, Anila Onta, FECOFUN Facilitateur de Genre

Au Népal, plus de 20 000 groupes de foresterie communautaire gèrent actuellement environ 40% des forêts du pays.[1] Au cours des trois dernières décennies, le Népal s’est lui-même établi comme un des pays pionniers pour la sécurisation des droits forestiers communautaires au travers de mesures légales et politiques. La foresterie communautaire, accompagnée de la pratique des savoirs traditionnels et la gestion coutumière durable des ressources naturelles, par des groupes locaux est une forme efficace de conservation de la biodiversité menée par la communauté (ci-après, l’expression « groupes de conservation communautaire » sera utilisée pour faire référence à cette gamme d’initiatives communautaires, sauf indication contraire). Au Népal, les groupes de conservation communautaires ont été cruciaux pour répondre aux menaces, et réussir de façon pertinente les objectifs de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD en anglais) et les Objectifs de Développement Durable (ODD, SDGs en anglais).

De nombreux rapports communautaires, des observations sur le terrain, des études de cas et des documents d’information sur les politiques, les stratégies et plans gouvernementaux, ont montré les impacts positifs des initiatives de conservation communautaires. Ces dernières, menées par des groupes de conservation communautaires- groupes de foresterie communautaire, groupes de gestion de l’eau et des zones humides, et d’autres groupes de gestion communautaire des ressources naturelles des populations autochtones et communautés locales -qui ont contribué significativement à atteindre les objectifs nationaux du Népal en matière de conservation de la biodiversité, l’usage durable et le partage équitable des bénéfices.[2] De même, ces groupes de conservation communautaires ont contribué à atteindre la plupart des objectifs de biodiversité d’Aichi et d’autres nombreux objectifs ODD.

Forêts communautaires gérés par des groupes forestiers communautaires d’utilisateurs en Dolakha, district de Népal. Dil Raj Khanal FECOFUN

 

Lors des prochaines réunions du CBD de SBSTTA-211[3] et du WG8 (j) -102[4] qui auront lieu à Montréal en décembre 2017, évoqueront toutes deux, l’implémentation de l’Agenda 2030 pour le Développement Durable, avec un accent particulier sur la Conservation et l’utilisation durable de la biodiversité.
Dans ce contexte, cet article surligne brièvement comment des groupes de conservation communautaires ont contribué à l’accomplissement d’objectifs mondiaux sur la biodiversité et le développement durable.

Contributions pour accomplir les objectifs Aichi en matière de Biodiversité

Membres de la Communauté évaluent les menaces à la conservation communautaire au cours de la CCRA dans des différents couloirs. Dil Raj Khanal FECOFUN

 

Travaillant dans le contexte des droits coutumiers aussi bien que dans la législation gouvernementale et des directives, les groupes de conservation communautaire ont intégré la conservation de la biodiversité de leurs forêts et écosystème dans leurs plans de gestion. Différents groupes ont incorporé des dispositions et programmes d’action différents dans leurs plans de gestion forestière, dans le but de générer une conscience sur les valeurs de la biodiversité, de la conservation et l’utilisation durable ; ainsi qu’un suivi et rapport des résultats et menaces continues auxquels est confrontée la biodiversité à niveau communautaire.[5]

Le rapport forestier de l’état du Népal de 2015, montre que les groupes de conservation communautaire ont contribué significativement à la réduction de la dégradation et fragmentation forestière après la reconnaissance des droits de foresterie communautaire formalisés lors des Lois relatives aux forêts de 1993. Ceci est mis en évidence par l’augmentation du territoire forestier et la diminution des zones regorgeant d’arbustes au Népal durant la période 1994-2014.[6] La conservation de la biodiversité et l’utilisation durable sont des éléments intégrants des plans de gestion de la foresterie communautaire. En raison de la mise en œuvre efficace des plans de gestion forestière par les groupes de conservation communautaires, des espèces exotiques envahissantes ont été contrôlées ou éradiquées à l’intérieur des forêts communautaires. Les initiatives de foresterie communautaire, particulièrement dans les moyennes et hautes collines, ont abouti à la protection d’espèces fauniques d’importance socioéconomique et culturelle. Les zones sous gestion forestière communautaire sont devenues des habitats importants pour la vie sauvage.

Les groupes de conservation communautaires ont contribué à l’accomplissement des objectifs Aichi 14,15 et 18 ; un des principaux objectifs étant de restaurer les services écosystémiques qui contribuent aux moyens de subsistance et au bien-être des populations locales. Leurs plans d’aménagement forestier prennent en compte les besoins des femmes, des populations autochtones et des communautés locales, ainsi que des pauvres et des vulnérables. Ils mettent en valeur également l’importance des connaissances traditionnelles, des innovations et des pratiques des Populations Indigènes et des communautés locales dans leurs initiatives de conservation. De la même manière, tous les groupes de foresterie communautaire ont incorporé des dispositions spécifiques dans leurs plans de gestion forestière pour la solidité des écosystèmes et pour améliorer les stocks de carbone dans les forêts communautaires.

Le Népal a récemment ratifié le Protocole de Nagoya, sur l’accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation, même si une législation nationale n’a pas encore été développée. Les groupes de conservation communautaires réclament que le gouvernement népalais suive un processus participatif et consultatif pour élaborer une législation sur « l’accès et le partage des bénéfices ».

En 2014, le Népal a développé un Plan d’Action et Stratégie de Biodiversité Nationale 5NBSAP en anglais) pour la période 2014-2020. Cette document politique a reconnu le rôle important et la contribution des foresteries communautaires à atteindre les objectifs et les actions stratégiques de la NBSAP. Le Plan s’est engagé à ce que les populations autochtones et les communautés locales soient des acteurs importants au niveau communautaire pour une mise en œuvre efficace de la NBSAP. Cependant, en raison des ressources limitées et du faible engagement de certains organismes gouvernementaux, le statut d’implémentation du Plan d’Action NBSAP du Népal est faible, et plus d’accent a été mis sur les aires protégées centralisées plutôt que sur la conservation communautaire, l’utilisation durable coutumière ou les connaissances traditionnelles des populations autochtones et des communautés locales.

Contributions pour l’accomplissement des ODD (Objectifs de Développement Durable -SDGs en anglais)

Membres des groupes communautaires d’utilisateurs forestières gérent leurs forêts communautaires dans le district de Nawalparasi. Nawalparsi FECOFUN

 

En mobilisant leurs ressources forestières et leurs revenus, les groupes de conservation communautaires ont grandement contribué à la sécurité alimentaire, aux énergies renouvelables / alternatives, à la santé et à l’éducation communautaires, à la réduction de la pauvreté et au bien-être, à l’emploi et à la génération de revenus. Ces communautés ont également établi leurs propres systèmes démocratiques, qui comprennent au moins 33-50% de représentation des femmes dans leurs organes de décision, et contribuent ainsi à l’accomplissement l’Objectif 5 des ODD (égalité de genre) au Népal.[7]

Les groupes de foresterie communautaires ont aussi réalisé des contributions importantes vers l’aboutissement de l’ODD 15 (écosystèmes terrestres), y compris :

Chaque groupe de foresterie communautaire a son propre plan de gestion pour l’administration durable des forêts, pour arrêter la déforestation, la dégradation des forêts et la perte de biodiversité, pour conserver les écosystèmes et prévenir les espèces exotiques envahissantes.
La biodiversité est conservée grâce à des initiatives de conservation communautaire, et les communautés locales ont développé des processus pour le partage équitable des bénéfices découlant de la gestion des forêts et de la biodiversité.
Les groupes forestiers communautaires ont mis en place et mobilisent des groupes anti-braconnage / anti-trafiquants qui ont connu un grand succès.
Tous les types d’écosystèmes sont gérés de manière durable par les communautés locales, cependant, les services écosystémiques continuent à être utilisés par les secteurs public et privé, sans fournir de compensation vis-à-vis des communautés locales.

Les réalisations des communautés locales sont significatives pour l’accomplissement des ODD au Népal. Malheureusement, le pays manque d’une base de données ou d’un système de comptabilité national pour documenter les contributions de la communauté à la réalisation des ODD.
A cet effet, une des plus grandes lacunes du Népal lors de l’Examen National Volontaire, c’est que le pays a négligé les contributions de ces communautés, et a omis de consulter et utiliser les données des communautés locales. Les groupes de conservation communautaires exigent donc fortement, que les contributions communautaires à la réalisation des Objectifs d’Aichi pour la biodiversité et des ODD soient reconnues.

Les initiatives de Conservation Communautaire seront une option forte et durable pour la réalisation de la Vision de la Biodiversité 2050. Cependant, il est nécessaire de reconnaître et de soutenir les contributions des populations autochtones et des communautés locales à travers des lois et des mesures politiques appropriées à tous les niveaux.

[1] Département de Forêts, Division de Foresterie Communautaire, juillet 2017, (http://dof.gov.np/publications/community_forestry_bulletin, 2017)
[2] Ministère de Forêts et Conservation du Sol, 2014. Stratégie de Biodiversité du Népal et Plan d’Action 2014-2020. Gouvernement du Népal, Ministère de Forêts et Conservation de Sol (MoFSC), Katmandu, Népal. http://www.mfsc.gov.np/downloadfile/Strategy%20and%20action%20plan_1426572431.pdf
[3] Le 21e sommet de l’Organe Subsidiaire de Conseil Scientifique, Technique et Technologique (SBSTTA en anglais) établit sous l’Article 25 de la Convention sera tenu à Montréal, Canada, du 11 au 14 Décembre 2017. https://www.cbd.int/meetings/SBSTTA-21
[4] Groupe de travail spécial intersessions à composition non limitée sur l’article 8(j) et dispositions connexes (Work Group 8(j), WG8(j)) a été établi par Décision IV/9 de la Conférence des Parties pour l’implémentation de l’Article 8(j) et fournir à la Conférence des Parties des conseils liés à l’implémentation dudit article et des dispositions connexes. La dixième réunion du GT8(j) aura lieu à Montréal, Canada, du 13 au 16 décembre 2017. https://www.cbd.int/meetings/WG8J-10
[5] Gouvernement du Népal, Ministère des Forêts et Conservation du Sol, 2014. Cinquième Rapport National du Népal pour la Convention sur la Diversité Biologique, https://www.cbd.int/doc/world/np/np-nr-05-en.pdf
[6] DFRS, 2015. État des Forêts du Népal. Évaluation des Ressources Forestières (FRA) Népal, Département de Recherche Forestière et Enquête (DFRS). Katmandu, Népal.
[7] Reconnaître les contributions des femmes et des communautés locales est nécessaire pour atteindre les ODD au Népal, https://globalforestcoalition.org/wp-content/uploads/2017/09/nepal-shadow-report.pdf

 


Comment évaluer les contributions des Populations Autochtones et les communautés locales lors de la CBD* et son plan stratégique ? Commençons par leur demander
*Convention sur la Diversité Biologique, CBD en anglais

Holly Jonas (Conseiller juridique du CCRI), Gordon John Thomas (PACOS Trust), Lysandra Chin (PACOS Trust) et Beverly Joeman (JOAS)

« Pour nous, à Sungai Eloi, il y a de nombreux défis à relever », déclare Matsupang Bin Somoi, 53 ans, fermier, pêcheur et défenseur des droits coutumiers autochtones à Kampung Sungai Eloi. « La zone dont on prend soin depuis neuf générations a été prise par le gouvernement pour la création du plus grand élevage de crevettes de Malaisie…Nous ne sommes pas anti-développement, mais nous voulons un développement équilibré. Nous ne voulons pas perdre nos droits en tant que Populations Autochtones, nous défendons nos territoires coutumiers. »

Marsupang appartient au groupe ethnique Sungai Tombonuo, au nord de Sabah, à Borneo en Malaisie. Les Sungai Tombonuo dépendent des denses mangroves dans leur territoire pour l’obtention de leur nourriture, bois de chauffage, plantes médicinales et rituels spirituels. Ils identifient et occupent des zones pour la conservation et utilisation durable basés sur le savoir et pratiques traditionnelles. Les mangroves abritent une grande variété de plantes et d’animaux, qui incluent des espèces en danger ou endémiques comme les singes Proboscis, et sont des zones de reproduction et de repeuplement pour nombre de poissions et crustacés.

Une femme Sungai Tombonuo ramasse des coquillages dans la forêt de mangroves Kampung Sungai Eloi, dans le nord de Sabah. PACOS Trust

 

Une compagnie d’élevage de crevettes à grande échelle, recevant le soutien du gouvernement malaisien, est entrain de menacer la survie du village de Matsupang et beaucoup d’autres aux alentours. Depuis 2012, la compagnie- Sunlight Inno Seafoof Company Sdn Bhd – a défriché plus de 2000 hectares de mangrove, vitale pour la subsistance des villageois et l’environnement immédiat. Au moins, 1000 autres hectares de mangrove ont prévu d’être rasés malgré les protestations des villageois ainsi que celles de ONG locales et internationales. Une plantation d’acacia, qui a eu le feu vert malgré les incessantes revendications des villageois pour faire valoir leurs droits territoriaux sur ces terres, ne fait qu’accentuer la pression sur ces communautés ainsi que sur l’environnement.

Une des plus cruelles ironies de ces soi-disant projets de « développement » est que le gouvernement est en train de les promouvoir et soutenir sous couvert de « réduction de la pauvreté » pour les communautés rurales. C’est vrai que le gouvernement classifie plusieurs villages dans cette partie de Sabah comme « pauvres » ou avec une « pauvreté chronique », mais cette classification est basée sur des données économiques limitées. Ces données ne prennent pas en compte les relations profondes et multidimensionnelles entre les populations autochtones et les territoires et zones dont elles dépendent pour leur identité, survie, coutumes et bien-être ; ni sur les effets dévastateurs de l’industrie de l’élevage de crevettes ou de la plantation d’acacia sur leur mode de vie. Ces données ne considèrent pas non plus les emplois de subsistance informels et l’économie à petite échelle basée sur la pêche, l’agriculture et la collecte de crustacés, les bois et les produits forestiers non ligneux, qui ne sont pas quantifiés en termes de revenus monétaires.

Ces données ne considèrent certainement pas les bénéfices des pratiques coutumières des populations autochtones pour la forêt locale, la mangrove et les écosystèmes côtiers : qui, à leur tour, sont la base pour l’obtention d’eau potable, l’habitat de la faune et des pêcheries bien au-delà des limites de leurs villages.

Les mangroves dans la zone de Sungai Eloi ont été le foyer d’une population endémique saine de singes probosci grâce à des pratiques de conservation de la population Sungai Tombonuo, avant le déminage à grande échelle pour l’élevage de crevettes. PACOS Trust

 

Cette compréhension limitée et défectueuse de la « pauvreté » et du « développement » ne présage rien de bon pour les populations autochtones ou d’autres communautés tant que la Malaisie vise le statut de pays développé d’ici 2020. Comme la plupart des politiques économiques du gouvernement ne reflètent pas la réelle signification de « pauvreté » et « développement », il en va de même pour les mesures environnementales du gouvernement qui ont du mal à reconnaitre les ayant-droits qui contribuent significativement à la biodiversité et à un authentique développement durable à niveau local. Des récents progrès ont été accomplis lors de la Convention sur la Diversité Biologique (CBD en anglais), dont les parties ont eu mission, lors de la CBD, de reconnaitre et soutenir les contributions des communautés concernant la biodiversité, incluant par la reconnaissance des territoires et zones conservées par les populations autochtones et communautés locales (aussi connues comme les ICCAs – Indigenous Community Conserved Areas).

Matsupang est un des incomptables leaders indigènes autour du globe prônant la reconnaissance des zones conservées des communautés autochtones (ICCAs). Une des stratégies qu’ils emploient est de démontrer comment leurs modes de vie contribuent à la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité à travers quasiment tous les écosystèmes et comment ils incarnent une alternative envisageable au système actuel qui a une approche descendante du « développement durable ».

Depuis les années 80’, Les Partenaires des Organisations Communautaires de Sabah (PACOS Trust) ont soutenu les Populations Autochtones dans l’état de Sabah, documentant leurs territoires coutumiers (connus localement comme wilayah adat), la vision du monde par les Populations Indigènes, leurs connaissances et pratiques, et leurs projets et priorités autodéterminées pour le futur. Ces dernières années, des avancées dans des politiques nationales et droits étatiques ont accordé un quelque peu de reconnaissance à la conservation communautaire (par exemple, le système tagal d’administration des pêcheries en eaux intérieures), même s’il reste matière à amélioration tant sur le papier comme en pratique.

Le gouvernement de l’état de Sabah a déjà protégé autour de 26 pour cent de ses forêts (1.87 million d’hectares) et s’est engagé à protéger 30 pour cent (2.2 million d’hectares) d’ici 2025. Si le gouvernement entreprend un véritable processus de cartographie participative et planification spatiale, il pourrait identifier les zones qui ont une importante biodiversité qui se chevauchent également avec les wialayah adat et d’autres ICCAs. Le travail de plusieurs communautés à travers tout l’état pour documenter leurs territoires et modes de vie, avec le soutien des organisations comme la PACOs Trust, pourraient fournir une base solide pour un tel processus et pour la reconnaissance et sécurisation ultérieures des wilayah adat et les autres ICCAs. Il pourrait aussi fournir un moyen pour contrebalancer, de façon importante, les formes descendantes de « développement » et « réduction de pauvreté » qui, en réalité, sapent les modes de vie autrement durables.

Les parties de la CBD vont discuter d’un nombre de thèmes fortement reliés à celui-ci, quand ils se réuniront à Montreal en décembre 2017 pour le 21e Sommet de l’Organe Subsidiaire de Conseil Scientifique, Technique et technologique (SBSTTA-21) et la 10e Réunion du Groupe de travail spécial sur l’application de l’article 8(j) et des clauses reliées (WG8(j)-10). Entre autres, Les Parties vont considérer la façon d’évaluer les contributions des Populations Autochtones et des communautés locales à la Convention et le Plan Stratégique pour la Biodiversité 2011-2020 (Point 6 de l’Ordre du Jour, WG8(j)-10).

Ce sujet est en cours d’élaboration depuis plusieurs années. En application de la décision XII/3 sur la mobilisation des ressources (2014), la Conférence des Parties a reconnu le rôle des Populations Autochtones et des communautés locales dans leurs actions collectives et leurs approches non basées sur le marché (incluant les ICCAs) pour la mobilisation des ressources nécessaires pour la Convention. En application de la décision XIII/20 sur la mobilisation des ressources (2016), la Conférence des Parties a adopté des principes directeurs pour évaluer la contribution des Populations Autochtones et les communautés locales. En décembre 2017, on s’attend à ce que le WG8(j)-10 développe un guide méthodologique d’identification, de suivi et d’évaluation de la Contribution des Populations Autochtones et communautés locales dans le Plan Stratégique, avec en vue leur adoption lors de la Conférence des Parties en 2018.

Ce guide méthodologique devrait faire un dessein sur les bonnes pratiques et leçons apprisses par l’Initiative de Résilience de la Conservation Communautaire (CCRI), laquelle est coordonnée par la Coalition Mondiale des Forêts (Global Forest Coalition) et implique des partenaires nationaux et locaux dans 22 pays autour du monde, incluant PACOS Trust en Malaisie. La méthodologie du CCRI inclut, entre autres, des principes de base tels que le consentement libre, préalable et éclairé ; la participation et la représentation ; et les Femmes et le genre. Plutôt que relayer vers des agences gouvernementales, académiques ou des grandes ONG pour évaluer la façon dont les Populations Autochtones et les communautés locales contribuent à la biodiversité, la méthodologie accorde la plus grande importance à la documentation et à la communication que les propres populations et communautés ont d’elles-mêmes, de leurs connaissances et pratiques, menaces et défis, visions futures et plans, y compris à travers des protocoles communautaires. C’est un facteur crucial dans de telles évaluations et peut lui-même venir en soutient à la reprise de pouvoir et positionnement des Populations Autochtones et les communautés comme titulaires de droits plutôt que des simples parties prenantes lors de la CBD.

En conséquence, à mesure que les Parties à la CBD élaborent des orientations méthodologiques d’identification, de suivi et d’évaluation des contributions des Populations Autochtones et des communautés locales pour le Plan Stratégique, ils devraient d’abord et avant tout chercher l’orientation des populations et des communautés elles-mêmes. Ce processus donne une opportunité additionnelle et importante pour les Populations Autochtones et les communités locales pour s’approprier de la façon dont ils sont définis et reconnus dans le contexte de la CBD. Il incombe aux Parties à la CBD et aux autres parties prenantes de les soutenir dans cet effort.

Membres de la communauté en Sungai Eloi prennent des bûches d’acacia. Les droits d’exploitation des terres ont supposément été accordés à l’entreprise qui gère la plantation, alors que les communautés ont attendu pendant des décennies par la reconnaissance et la revendication des droits sur leurs terres. PACOS Trust

 

A Kampung Sungai Eloi, au nord de Sabah, Matsupang réfléchit à combien la disparition de la mangrove a affecté sa communauté et sa vision du futur. « Nous sommes les Populations Autochtones de la région. On devrait nous donner une chance de défendre nos territoires ».

 


Conservation communautaire et perspective locale sur les perspectives mondiales en matière de biodiversité

Par Jeanette Sequeira- GFC, Australia ; Ken Kinney – Institut pour le Développement, Ghana ; Salome Kisenge – Envirocare, Tanzania, and Edna Kaptoyo – Réseau d’information autochtone, Kenya

Les initiatives de conservation communautaires par les peuples autochtones, les communautés locales et les femmes sont efficaces, par leurs approches ascendantes et locales de la conservation de la biodiversité. Leurs paroles significatives devraient être reconnues et intégrées dans la politique de la biodiversité nationale et internationale, y compris dans la Convention sur la Diversité Biologique (CDB).

Plantation d’arbres dans les forêts communautaires Kahe, Tanzanie. Simone Lovera/GFC

 

Le Global Biodiversity Outlook (GBO), une publication phare de la CDB, est un rapport périodique décrivant les derniers statuts et tendances en matière de biodiversité.

Il présente également les principales conclusions et analyses sur les mesures prises ou devant être prises par la communauté mondiale pour la poursuite de la mise en œuvre de la CDB. La préparation de la cinquième édition du GBO (GBO-5) fait actuellement l’objet de discussions au sein de la CDB. Le GBO-4, publié en 2012, accordait trop peu d’importance à la conservation communautaire et aux rôles des populations autochtones, des communautés locales et des femmes. Il est essentiel que le prochain rapport comprenne des informations communautaires, les tendances et les meilleures pratiques communautaires telles que des initiatives de conservation communautaire par des groupes titulaires de droits qui sont en première ligne de la conservation de la biodiversité locale et de l’utilisation durable. Les résultats de l’initiative de résilience de la conservation communautaire (CCRI en anglais) de la Coalition Mondiale des Forêts ( GFC en anglais),- une initiative qui documente et examine les résultats des évaluations participatives ascendantes de résilience des initiatives de conservation communautaire dans 22 pays- démontre déjà à quel point les initiatives de conservation communautaires sont importantes pour la biodiversité globale et le rôle des Populations Autochtones, communautés locales et des femmes dans ces initiatives. [1]

Le rapport « Perspectives de la Biodiversité Locale 2016 » du programme Forest Peoples, du Forum international des populations autochtones sur la biodiversité et du Secrétariat de la CDB, fournit à cet égard, un excellent aperçu des contributions faites par les communautés pour la conservation de la biodiversité. Il est important que lesdites contributions soient incorporées dans le processus GBO-5 et que les Parties soutiennent aussi la réalisation d’une deuxième édition des Perspectives de la Biodiversité Locale (comme demandé dans la décision XIII / 29).

Les découvertes des processus d’évaluation du CCRI au Kenya, Tanzanie et Ghana ont déjà montré que les approches basées par les communautés, comme l’Approche des Zones de Gestion des Ressources Communautaires (CREMAs en anglais) au Ghana, sont une forme effective de conservation communautaire. Le CREMA s’appuie sur les pratiques de conservation traditionnelles des bosquets / sites sacrés pour protéger les écosystèmes critiques. Des communautés telles que la communauté Kpoeta au Ghana, – cette dernière activement engagée dans le programme CREMA -, utilisent le GPS pour délimiter et protéger les cascades Tsii (Dans la chaîne Weto de la forêt de Haute Guinée en Afrique de l’Ouest),
Fixent des zones tampons pour protéger les plans d’eau.

D’autres communautés ont développé des initiatives de production d’énergie à petite échelle qui utilisent la canne à sucre, déjà produite pour le gin local et qui présente une alternative communautaire au bois de chauffage de la forêt – les communautés ne veulent pas que cette initiative soit prise en charge par intérêts commerciaux à grande échelle.

Au Kenya, une communauté Maasai autour de la forêt de Nyekweri Kimintet à Trans-mara a entrepris l’initiative CCRI et a constaté que ses efforts de conservation ont contribué de manière significative à la conservation de cette zone forestière importante. Cependant, ils ont également recommandé le renforcement des capacités par le biais de visites d’échange communautaires dans des zones de conservation de la faune similaires et d’autres pratiques d’apprentissage et de partage des compétences, y compris avec les autorités environnementales des pays et des gouvernements nationaux. Le soutien financier pour leurs initiatives communautaires de reboisement, souvent dirigées par des femmes, et le suivi des zones de conservation ainsi que le plaidoyer ciblant les autorités locales et les autorités environnementales du gouvernement régional, ont également été jugés essentiels. De même, dans le processus du CCRI en Tanzanie, les communautés des districts de Siha et Moshi, dans la région du Kilimandjaro, ont fait des efforts importants pour conserver et enrichir les zones forestières restantes et protéger les sources d’eau naturelles.

Les institutions communautaires pour la protection de la biodiversité et les forêts locales, comme celles déjà établies dans les communautés participantes au Kenya et en Tanzanie, sont perçues comme des mécanismes communautaires essentiels qui doivent être renforcés car elles encouragent la participation communautaire et mesurent la destruction de l’environnement, ainsi que l’adhésion de la communauté aux lois environnementales locales des villages.

Cependant, il est nécessaire de sensibiliser davantage la communauté aux lois environnementales nationales et aux effets du changement climatique.

Les résultats de ces processus d’évaluation participative au Ghana, au Kenya et en Tanzanie démontrent le rôle essentiel de la conservation communautaire, et sont donc des pratiques importantes qui devraient être reconnues dans le GBO-5 comme contributions clés à la conservation de la biodiversité mondiale. Plus précisément, le projet de travail, budget et stratégie de communication du GBO-5 devrait inclure les données – sur la conservation communautaire et l’utilisation durable- collectées par les populations autochtones, les communautés locales, et les femmes comme sources d’information clés, comprenant aussi les résultats du CCRI. Alors que l’on s’attend à ce que les informations et les études de cas sur l’action collective des populations autochtones et des communautés locales soient considérées comme des éléments critiques dans le GBO-5, comme indiqué dans l’examen du document de pré-session par le Secrétariat de la CBD. [2] , il est essentiel que leur participation au processus de préparation soit significativement facilitée par des modalités appropriées et que ces titulaires de droits soient consultés en tant que groupes d’experts clés sur le contrôle et l’examen par les pairs ainsi que sur le développement de la stratégie de communication.

Collecte de champignons en Zambie. CIFOR/Flickr

 

Dernier point mais pas le moindre, la participation des femmes en tant que titulaires de droits, y compris les femmes autochtones et les groupes de femmes à la base, n’a malheureusement pas été mentionnée dans le document de présession. Le GBO-5 servira de rapport final sur la mise en œuvre du Plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020 et comme base au plan stratégique pour la biodiversité après 2020 qui sera examiné à la COP 15 de la CBD.

En conséquence, étudier la participation des femmes, en particulier des femmes autochtones, au processus de préparation ainsi que la reconnaissance des tendances, expériences et études de cas dirigées par des femmes sur la conservation de la biodiversité et la prise en compte systématique du genre dans la GBO-5. Le patriarcat a été signalé comme un problème dans les communautés du CCRI au Kenya et en Tanzanie où les femmes ne jouent pas un rôle suffisamment important dans la prise de décision même si leur rôle dans la conservation de la biodiversité est important. Les communautés ont recommandé qu’un plaidoyer soit nécessaire sur la propriété foncière des femmes et leur participation accrue dans la prise de décision. De plus, le rôle des femmes dans la conservation devrait être renforcé par la création de réseaux de femmes pour la promotion de la conservation de la biodiversité aux niveaux local et national, liés aux réseaux de défense à niveau national.

Ce sont des solutions axées sur la communauté et sensibles au genre qui doivent être mises en évidence dans le GBO-5. Le GBO-5 coïncidera avec la Décennie des Nations Unies pour la biodiversité et se positionne donc comme un outil de communication majeur ; Si un tel rapport ne traite pas l’intégration de la dimension de genre dans la biodiversité ou qui exclut la participation des femmes, en particulier des femmes autochtones, alors les experts montreraient de façon incomplète et insuffisante le statut réel de la biodiversité sur le terrain.

[1] Voir le rapport d’aperçu global du CCRI https://globalforestcoalition.org/wp-content/uploads/2015/11/CCRI-Report-1.0.pdf
[2] https://www.cbd.int/sbstta/sbstta-21-wg8j-10/GBO5-ProductionPlan-draft-for%20SBSTTA-review.pdf


Lutte des communautés forestières pour l’utilisation traditionnelle et coutumière des forêts en Inde

Souparna Lahiri, All India Forum of Forest Movements

Environ 147 millions de villageois en Inde vivent dans ou autour des forêts, et 275 autres millions de villageois dépendent fortement des forêts comme source de subsistance.

La sécurité des moyens d’existence pour les communautés dépendantes de la forêt est étroitement liée à leurs droits, à l’accès et au contrôle des ressources forestières. Depuis que l’administration coloniale britannique a promulgué l’Indian Forest Act en 1865, les forêts indiennes ont été soumises au contrôle de l’État et ont restreint l’accès et les droits des communautés tributaires de la forêt. Le gouvernement indépendant indien a formellement admis cette erreur historique en décembre 2006 au Parlement indien.

Il est à l’honneur des communautés forestières que même après 150 ans de siège et de privation de leurs droits et d’accès, les forêts indiennes prospèrent encore à 67 millions d’hectares (23,41% de la zone géographique du pays). Avec un taux de déforestation annuel d’environ 35 000 ha – principalement dû à des projets industriels et de développement – c’est grâce à l’éthique et aux coutumes traditionnelles des communautés forestières et de leur relation symbiotique avec la nature, que les forêts indiennes continuent à survivre encore.

Les pratiques traditionnelles et coutumières des communautés forestières ont soutenu la vie sauvage et la biodiversité. Souparna Lahiri/GFC

 

Les rapports annuels sur l’état des forêts indiennes indiquent que dans tous les districts tribaux, les niveaux actuels de couverture forestière (plus de 33%) sont significativement plus élevés que la moyenne nationale de 21%. Les données statistiques disponibles montrent que ce sont en fait les pratiques traditionnelles et coutumières des communautés forestières qui ont soutenu les forêts, la faune et la biodiversité indiennes. Cela, même si les communautés vivent dans la plus grande pauvreté, sont expulsés périodiquement de leurs terres et ont souvent leurs récoltes et maisons brûlées et détruites. Les plus touchées par cette précarité ce sont les femmes qui s’aventurent traditionnellement dans les forêts pour se procurer de la nourriture et du bois de chauffage et qui participent à de nombreuses activités agricoles.

Reconnaissance des Droits Forestiers

Une longue histoire de lutte des communautés forestières indiennes – des révoltes pour reprendre les terres usurpées par l’empire colonial au XIXe siècle, à un mouvement radical émergeant dans les années 1990 – a abouti à ce que le Parlement indien soit contraint de promulguer la loi sur les tribus répertoriées et autres propriétaires traditionnels de forêts (reconnaissance des droits forestiers) en décembre 2006. Connue sous le nom de loi sur les droits forestiers (FRA), cette législation historique a restauré et reconnu les droits traditionnels des communautés forestières qui ont été arrachées à la consolidation des forêts domaniales pendant la période coloniale ainsi que dans l’Inde indépendante. [1]

Cette loi traite de la précarité de longue date des droits fonciers, d’occupation et d’accès des tribus répertoriées vivant dans les forêts et d’autres habitants des forêts traditionnelles. La FRA garantit que le droit d’une personne à des terres agricoles et à la propriété familiale, qui sont accordées conjointement à une femme et à son conjoint, ainsi que les droits communautaires sur les forêts [2] soient reconnus, enregistrés et acquis. Les droits reconnus des communautés vivant en forêt incluent les responsabilités et l’autorité pour l’utilisation durable, la conservation de la biodiversité et le maintien de l’équilibre écologique. La loi renforce le régime de conservation des forêts tout en garantissant des moyens de subsistance et de sécurité alimentaire pour les groupes d’habitants forestiers. Le Gram Sabha (ou Conseil de village) est investi des droits de gouvernance pour gérer, protéger et conserver ses propres forêts de manière durable.

Les droits reconnus aux communautés qui vivent dans les forêts comprennent la responsabilité et la manutention de l’équilibre écologique. Souparna Lahiri/GFC

 

Les connaissances traditionnelles sont également reconnues dans la FRA. Il donne place au droit d’accès des communautés forestières à la biodiversité et au droit communautaire à la propriété intellectuelle, aux savoirs traditionnels liés à la biodiversité et à la diversité culturelle.

La FRA, par conséquent, reconnaît et respecte les articles 8(j) et 10(c) de la Convention sur la diversité biologique (CDB) et les dispositions de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (FPIC) et des droits de l’homme (UNDRIP). C’est également un pas dans la bonne direction pour atteindre les objectifs d’Aichi relatifs à la biodiversité de la CDB.

Dynamique changeante, défis et retombées de la FRA

Alors que la FRA a été dès le début opposée à une section de forestiers du ministère de l’Environnement et des Forêts (MoEF) et à quelques grandes organisations de conservation, la dynamique au sein des forêts indiennes a été modifiée. Dans les zones où les communautés forestières étaient bien organisées et où le mouvement social était important, la déclaration auto-initiée de la formation des Gram Sabhas et la délimitation de leurs forêts communautaires ont été rapidement mises en œuvre. Ces communautés ont pu utiliser la législation à leur avantage et passer rapidement à l’action.

Cependant, après 10 ans, l’écart entre les espoirs initiaux – qui étaient très hauts- et la mauvaise mise en œuvre de la FRA est assez flagrant. Moins de 30% des réclamations déposées ont été enregistrées et l’enregistrement des droits forestiers communautaires (CFR en anglais) a été minime. Les campagnes de sensibilisation sur la législation et le processus de réclamation au sein des communautés forestières ont été médiocres, en particulier dans les zones reculées.
Les règles et règlements du Département des forêts et les lois forestières draconiennes sont toujours fréquentes. Ceci est le plus notable dans les parcs nationaux et les réserves de tigres, où le département des forêts refuse de normaliser les droits – en violation complète de la FRA.
L’Autorité nationale pour la conservation du tigre (NTCA) a récemment publié une note ordonnant aux responsables de ne pas reconnaître ni régler les droits des populations autochtones à l’intérieur des réserves de tigres, ce qui constitue une violation de l’article 4 de la FRA.

Cependant, les communautés vivant dans les forêts ont progressé dans leurs luttes pour réaliser l’autogestion du Gram Sabha et le droit de contrôler et de gouverner les ressources forestières communautaires. Au nord du Bengale, le long des contreforts de l’Himalaya oriental, un certain nombre de villages forestiers de Tongya ont auto déclaré leurs Gram Sabhas et ont interdit toute activité du Département des forêts sans leur consentement. Ces villages ont arrêté l’abattage des arbres, la coupe du bois et les plantations dans leurs forêts communautaires déclarées. Les villages du parc national de Tadoba-Andhari et de la réserve des tigres ont cartographié leurs ressources forestières et ont déposé des réclamations pour la prise en compte de leurs droits forestiers communautaires CFR. De même, de nombreux villages du Chhattisgarh ont lancé eux-mêmes la cartographie de leurs ressources et réclamé également leurs droits auprès des CFR.

Protestation réclamant les droits de la communauté afin de contrôler et de réglementer la répartition des ressources forestières. NESPON/GCF

 

Dans la zone forestière de Menda Lekha, dans le Maharashtra, environ 400 villages ont obtenu des titres CFR et élaboré leurs propres règles concernant la récolte des produits forestiers non ligneux, produits forestiers secondaires et de bambous. La plupart des familles résidant dans ces villages ont en fait cédé leur titre foncier individuel au Gram Sabha pour faire partie du collectif. Les communautés ont également tenté de restaurer la forêt avec l’aide du Système national de garantie de l’emploi, mais n’ont reçu aucun soutien supplémentaire du gouvernement ou du Département des forêts.

Dans la région forestière Baiga Chak de Dindori dans le Madhya Pradesh, les Baigas – communautés tribales les plus vulnérables des forêts – ont empêché le Département des forêts de prendre possession de leurs terres pour leurs plantations, revendiqué leurs droits d’habitat et forcé l’administration du district à enregistrer leurs droits. A Odisha, il y a plusieurs districts où les communautés forestières ont formé leurs Gram Sabhas, et ont réclamé leurs CFR et élaboré leurs propres règles pour l’utilisation durable des ressources forestières.

Les femmes sont à l’avant-garde de la plupart de ces luttes et participent en grand nombre aux réunions du Gram Sabha. Les femmes ont joué un rôle de premier plan dans la cartographie des ressources forestières, la sensibilisation des communautés forestières et la négociation avec les autorités compétentes pour les réclamations concernant le CFR.

En Inde, de grands projets hydroélectriques, industriels, miniers et d’autres projets de développement ont été bloqués car le détournement prévu d’immenses étendues de forêts n’a pas pu être achevé car les Gram Sabhas ont refusé de donner leur consentement. Le gouvernement tente de diluer les dispositions de la FRA et les pouvoirs du Gram Sabha, sapant ainsi le FPIC des communautés à travers des notes de service et des circulaires. Le MoEFCC, à la demande du bureau du Premier ministre, a déjà exempté les Gram Sabha de l’autorisation de dédouaner certains projets linéaires tels que les autoroutes et les routes.

La controverse soulevée par l’autorisation d’extraction de bauxite dans les mines des collines Niyamgiri d’Odisha par la société britannique Vedanta Company illustre la tension et la dynamique qui se manifestent entre les gouvernements des États et les communautés forestières en Inde aujourd’hui. Suite à la décision de la Cour suprême de l’Inde d’appliquer les dispositions de la FRA et de permettre aux Gram Sabhas de la tribu des Dongria Kondh d’exercer leurs droits, les Dongria Kondhs ont eu le courage de résister à la puissance du Vedanta et du gouvernement de l’Etat, et ont refusé de donner leur consentement au détournement de la forêt pour l’extraction de la bauxite.

Les communautés forestières indiennes, les mouvements sociaux et les organisations communautaires poursuivent leur lutte pour réaliser leurs droits conformément à la FRA, mais ils ont aussi besoin d’un soutien international. Les droits énoncés dans la FRA sont compatibles avec divers traités et conventions internationaux.

Par exemple, la non-application du CFR est une violation des articles 8(j) et 10(c) de la CDB. Le fait de violer et de diluer les dispositions de la FRA relatives au FPIC conduit à une atteinte à la UNDRIP. Ces violations doivent être prises en compte aux niveaux appropriés dans les forums internationaux appropriés. Le droit des millions de gens de la forêt de l’Inde, et le droit de tous les Indiens à la prospérité des forêts, l’exige!

[1] “…injustice historique envers les tribus répertoriés des forêts et d’autres habitants traditionnels de la forêt qui font partie intégrante de la survie et de la durabilité de l’écosystème forestier » – Préambule de la loi sur les tribus répertoriées et autres populations traditionnelles (reconnaissance des droits forestiers), Acte, Paragraphe
[2] Désignés sous le nom de « tribus répertoriées » dans la Constitution indienne.

 


À propos de Souris, Éléphants et la Gestion de la préservation de la Biodiversité

Par Simone Lovera, Global Forest Coalition, Paraguay

Il existe une vieille histoire à propos d’un groupe de souris et d’un groupe d’éléphants qui jouaient à un match de football ensemble. Dans l’enthousiasme du jeu, un des éléphants renverse accidentellement une souris et l’écrase par terre. Quand il se rend compte de ce qu’il a fait, l’éléphant cherche frénétiquement à s’excuser. La souris répond « Oh, ne t’inquiète pas pour ça, ça aurait pu m’arriver à moi aussi ». Cette anecdote doit rester en tête quand on parlera de la gestion pour la préservation de la biodiversité lors du prochain 21e Sommet de l’Organe subsidiaire de conseil scientifique, technique et technologique (SBSTTA – 21) de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB).

Il existe un large consensus indiquant que l’intégration de la biodiversité passe par les secteurs productifs – comme la foresterie, l’agriculture et même le tourisme- ce qui est essentiel si on veut atteindre l’objectif convenu à niveau international pour enrayer la perte de biodiversité d’ici 2020. Lors de la dernière Conférence des Parties à la Convention sur la Biodiversité (CDB) il a été convenu que les grands industriels opérant dans ces secteurs – comme les sociétés forestières, producteurs de soja, chaines hôtelières, etc. – devraient s’engager en tenant des structures multilatérales de gestion pour déterminer la manière dont la biodiversité peut être gérée dans leurs opérations. Le terme de structure de gestion « multilatérale » suppose que tous les acteurs principaux doivent être impliqués ; commençant par les plus larges et puissants (corporations transnationales et gouvernements), jusqu’aux plus petits, politiquement et économiquement marginaux (Populations autochtones, communautés locales et les femmes).

Cartographie des menaces pour la conservation communautaire au Kirghizstan. Simone Lovera/GFC

 

Ces acteurs sont impactés de façon disproportionnelle par la perte de la biodiversité, et par conséquent se sont les bénéficiaires clés des politiques de développement durable. Les populations autochtones, les communautés locales et les femmes ont clairement défini des droits basés sur des lois internationales ; et en tant que groupes détenteurs des droits, les impliquer dans les structures de gestion est une suite logique pour une approche transformative basée sur leurs droits, qui est au cœur de l’Agenda 2030 des Nations Unies pour le Développement Durable.

Cependant, on devrait se demander si impliquer des acteurs si différents en une seule structure de gestion ce n’est pas comme avoir des éléphants et des souris se mesurant les uns aux autres dans le même terrain de jeu. Après tout, une grande entreprise ou une agence gouvernementale n’a rien à craindre des petites communautés autochtones ou des groupes de femmes, tandis que les communautés sur place risquent de perdre leur mode de vie tout entier, et même leurs vies dans certains cas, si les corporations ont l’autorisation pour détruire les forêts, ou avoir recours à des chimiques agroindustriels mortels ou déloger de façon violente les communautés pour construire des nouveaux complexes touristiques.

De plus, les intérêts des grandes corporations sont essentiellement commerciaux. Comme le capitalisme requiert une croissance constante du capital, les entreprises ne sont simplement pas disposées à promouvoir des solutions politiques qui iraient à l’encontre de leur expansion économique et qui auraient un impact négatif sur leurs intérêts commerciaux à court ou long terme.
En pratique, les entreprises seraient prêtes à accepter des mesures qualitatives qui pourraient améliorer leur production, mais ne sont pas capables d’accepter des mesures politiques quantitatives qui limiteraient leur croissance.
Pourtant, ce sont précisément ces mesures politiques quantitatives qui sont nécessaires pour protéger la biodiversité de la planète avec des frontières naturelles si clairement définies.

Par exemple, l’industrie aéronautique est de loin l’industrie dont les émissions de gaz à effet de serre connaissent la plus grande croissance – les émissions ont connu une croissance de 87% entre 1990 et 2014¹- due essentiellement à la croissance dramatique de l’industrie touristique mondiale. Mais, au lieu d’imposer des limites pour atténuer la croissance des émissions, l’Organisation de l’Aviation Civile Internationale (ICAO en anglais, agence spécialisée des Nations Unies) a proposé une vaste gamme de fausses solutions comme la compensation de l’émission de carbone ou l’utilisation de biocarburants. L’ICAO a récemment proposé ses objectifs pour atteindre les 285 millions de tonnes de biocarburants d’ici 2050, ce qui demanderait que la production globale de biocarburant dédiée au transport – déjà une des plus grandes sources de déforestation et de destruction de la biodiversité – soit triplée d’ici là. Malheureusement, la déclaration ministérielle de la dernière conférence des parties de la CDB – organisé dans la ville de Cancun, au Mexique, une des plus (im)populaires stations touristiques au monde- n’a même pas fait mention de la croissance des émissions de gaz à effet de serre liées au secteur aéronautique.

La convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques elle-même a récemment commencé une discussion sur la nécessité de s’attaquer aux possibles conflits d’intérêt dans ses structures de gestion, et les Parties à la Convention sur la diversité biologique devraient l’imiter et commencer sérieusement à s’attaquer à ce sujet. Il sera alors important pour la CBD de définir le concept de « conflit d’intérêts » d’une façon rationnelle. Trop souvent, le terme de « conflit d’intérêts » est vu comme accusatoire, voire incendiaire. Pourtant, c’est strictement rationnel d’assumer que les acteurs ont un certain intérêt économique, social, culturel ou moral dans certains plans d’action des politiques environnementales, et donc, par définition, certains conflits d’intérêt. L’existence de ces conflits d’intérêts n’est pas nécessairement malveillante. C’est le manque de transparence sur les conflits d’intérêts – ou pire, le déni de ces derniers – qui peuvent entraîner un comportement malveillant.

Récolte de pommes dans Tajikistan. Noosfera/GFC

 

Si le Status Quo n’est pas contesté, les déséquilibres de pouvoir dans les structures de gestion de la CDB, vont mener à la prédominance des intérêts des éléphants sur ceux des souris. C’est important de ne pas aborder et résoudre seulement les potentiels conflits d’intérêt, mais aussi de s’assurer que les groupes titulaires de droits se distinguent clairement des acteurs n’ayant que des enjeux commerciaux dans les politiques pour la biodiversité. Comme le processus de développement du prochain Plan Stratégique ne débutera qu’aux prochaines réunions d’intersessions, les groupes ayant-droits comme les populations autochtones, les communautés locales et les femmes, devraient recevoir un statut particulier lors de ces négociations cruciales. Elles devraient être en mesure de participer à part entière, et de façon effective, à travers leurs propres structures représentatives, et leurs contributions dans ce processus devraient être distinguées clairement des contributions des ayant-droits qui n’ont que des enjeux commerciaux dans la biodiversité.

[1] http://unfccc.int/resource/docs/2016/sbi/eng/19.pdf
[2] icao.int/Meetings/CAAF2/Documents/CAAF.2.WP.013.4.en.pdf

2 nov., 2017
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