Couvert Forestier 50 – Les Objectifs de Développement Durable et les Forêts : une menace ou l’opportunité d’une vie ?
Bienvenus au Couvert Forestier N°50 – lettre d’information de la Coalition Mondiale des Forêts offrant aux activistes de la justice environnementale des hémisphères nord et sud un espace pour présenter leurs visions sur les politiques internationales concernant les forêts.
Dans cette 50ème édition du Couvert Forestier, nous repassons sur les tensions actuelles entre les monocultures d’échelle industrielle et la gestion communautaire des forêts, en prenant en considération les conséquences sur les communautés d’Inde et du Chili, ainsi que sur les femmes en général, et la biodiversité de laquelle tous dépendent.
Nous observons la façon dont ces tensions empêchent en Inde, la mise en œuvre de la législation existante sur la gestion communautaire des forêts, et nous nous arrêtons sur un exemple réussi de restauration communautaire d’une antique forêt de chênes en Irlande. Nous finissons par considérer l’urgent besoin de la prochaine Assemblée 2 des Nations Unies pour l’Environnement, pour la promotion d’une cohérence politique en matière d’environnement, à la lumière de la récente lutte de l’inter-forum entraîné par le business commercial en ce qui concerne l’échéance à laquelle la déforestation doit cesser.
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Contenu
Au sujet des Forêts, des Arbres Destructeurs et de la Cohérence Politique
Plantations Forestières au Chili, un modèle à éviter!
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Au sujet des Forêts, des Arbres Destructeurs et de la Cohérence Politique
Par Simone Lovera, Directeur Exécutif, Coalition Mondiale des Forêts
Permettez-moi de commencer cette 50ème édition du Bulletin des Forêts dans une humeur festive – parfois, il se passe effectivement des choses incroyables. Par exemple, si cinq ans auparavant quelqu’un m’avait déclaré qu’en 2015, des chefs d’états s’engageraient à mettre fin à la déforestation d’ici 2020, j’aurai été sceptique, si ce n’est cynique.
A cette époque, il y avait de vives campagnes de « zéro déforestation » menées par les membres de la Coalition Mondiale des Forêts et d’autres groupes, notamment dans des pays abritant de vastes forêts comme l’Indonésie et le Brésil. Pourtant, malgré le fait que les gouvernements avaient commencé à insister sur la réduction et non l’interruption de la déforestation, nous étions nombreux à estimer que l’objectif d’une « zéro déforestation » globale était stratégiquement souhaitable, mais très peu enclin à être accompli politiquement. L’unique engagement politique qui s’approchait de la zéro déforestation était l’Objectif 5 des soi-disant Objectifs d’Aichi dans le cadre du Plan Stratégique de 2010 de la Convention sur la Biodiversité, déclarant que « d’ici 2020, le taux de perte de l’ensemble des habitats naturels, dont les forêts, est au moins divisé par deux, et là où il est possible, rapproché du niveau zéro. »
La façon dont cet objectif plutôt ambigu était traduit au sein du plus robuste Agenda 2030 pour les Objectifs de Développement Durable 15.2 de l’ONU est assez longue et trop compliquée à expliquer dans un court article. Mais un point mérite assurément d’être remarqué : l’engagement des entreprises était tout sauf une aide. En particulier, le groupe de travail de l’ONU sur les Objectifs de Développement Durable s’était déjà accordé en juillet 2014 sur l’Objectif suivant : « D’ici 2020, promouvoir l’implémentation d’une gestion durable de tous types de forêts, mettre fin à la déforestation, restaurer les forêts détériorées, et augmenter de façon substantielle le reboisement et la reforestation. » . Cependant, en septembre 2014, de grandes entreprises – notamment Asia Pulp and Paper, Cargill, Sime Darby, Unilever et Wilmar International – ont essayé de renverser brusquement le processus en signant la « Déclaration de New York sur les Forêts », de concert avec un certain nombre de gouvernements et d’autres organisations. Ce faisant, ils s’engageaient aussi à mettre fin à la déforestation, mais seulement d’ici 2030. Cette déclaration a eu pour conséquence la tentative de certains gouvernements de se retirer subrepticement de l’ambitieux objectif 2020 de l’ONU au cours des douze mois qui ont suivis. Ce n’est qu’à l’issue d’une lutte acharnée que l’objectif 2020 a été retenu pour les Objectifs de Développement Durable finaux, adoptés en septembre 2015.
Cependant, cela ne signifie pas que les Objectifs de Développement Durable aient été immédiatement acceptés. Le Brésil par exemple, l’un des pays ayant le plus de forêts, a publié une « Contribution Nationale » (INDC – Intended Nationally Determined Contribution) avant l’Accord sur le Changement Climatique de Paris, qui contenait un objectif nettement plus faible, se concentrant sur l’interruption de la déforestation illégale exclusivement, et seulement avec l’échéance 2030. C’est à la date du 28 septembre 2015 que le Brésil a soumis cet INDC, précisément trois jours après l’adoption des Objectifs de Développement Durable par les membres de l’ONU, dont faisait partie le Brésil.
Les autres pays ayant publié leur « Contribution Nationale » (INDC) après septembre 2015, comme la Bolivie, ont aussi ignoré l’objectif de mettre fin à la déforestation d’ici 2020.
Cela étant, l’interruption de la déforestation demeure cruciale pour faire face au changement climatique et pour endiguer la perte de la biodiversité. Les donateurs et les institutions de l’ONU devraient insister sur le fait que les états s’engagent pleinement à l’ensemble des Objectifs de Développement Durable, notamment l’Objectif 15.2, dans tout forum et notamment dans leurs engagements en matière de changement climatique.
De plus, que la perte de forêts naturelles authentiques soit visée est un fait critique. Les plantations monoculturales d’arbres ne sont pas un substitut et ne devraient être comptées : en termes de biodiversité, elles constituent une menace plus qu’une contribution à la biodiversité, et sont de faibles réservoirs de carbone. Le fait que l’Organisation de l’Alimentation et de l’Agriculture (FAO) continue à confondre les deux floute ce qui est en train de se passer – ou ce qui n’est pas en train de se passer – en matière de déforestation.
Le véritable et présent danger se tenant face aux forêts de la planète aujourd’hui, est celui du remplacement des forêts naturelles par ces monocultures d’arbres et les autres paysages abondamment arborés qui sont sévèrement dégradés. De fait, l’annonce faite par la FAO en septembre 2015 déclarant que le taux net global de la déforestation s’est amoindri de 50% au cours des 25 dernières années est moins idyllique qu’il n’y paraît. Les chiffres de la FAO incluent toujours les plantations, qui d’après eux représentent 7% de « la zone globale des forêts de la planète » et ont augmenté de plus de 110 millions d’hectares depuis 1990.
Tant que les systèmes de l’ONU persistent dans l’usage d’une définition des forêts incluant en somme n’importe quelle sorte de collection d’arbres, dont les plantations monoculturales d’arbres, parfois de certaines espèces comme l’eucalyptus et le pin, la deuxième partie de l’Objectif de Développement Durable 15.2 – celui d’augmenter de façon substantielle le reboisement et la reforestation – constituent une menace directe aux autres sections de ce même Objectif qui proclament la conservation d’écosystèmes terrestres.
Les différents articles de cette 50ème édition du Bulletin des Forêts soulignent les répercussions dévastatrices de ces plantations, non seulement sur les forêts et les autres écosystèmes, mais aussi sur les populations autochtones, les communautés locales et les femmes, qui perdent leurs terres et leurs moyens de subsistance du fait d’une expansion continue de monocultures d’arbres dévitalisées au nom de la « reforestation » et du « reboisement ». Les résultats du premier tour des 33 évaluations participatives de l’Initiative sur la Résilience de la Conservation Communautaire (CCRI) ont clairement montrés que les monocultures arboricoles constituent une menace significative pour les initiatives de conservation communautaire.
Cela est éminemment problématique lorsqu’il devient question de combattre le changement climatique. La suggestion de l’Accord sur le Climat de Paris (en soi l’un des accords les plus insignifiants jamais conçus dans la mesure où il manque d’obligations contraignantes), est que les pays soient aptes à compenser leurs émissions de gaz à effet de serre en plantant des arbres et par le biais d’autres projets de captage de carbone. Mais cela va clairement ajouter l’insulte à l’injure. Davantage de plantations amèneront davantage de problèmes sociaux et environnementaux, et saperont le régime climatique déjà faible, en particulier dans la mesure où les arbres sont des puits de carbones très peu fiables.
Heureusement et malgré tout, il y a aussi de bonnes nouvelles. Les rencontres récemment conclues des Organes Subsidiaires de Conseils Scientifiques, Techniques et Technologiques et d’Implémentation de la Convention sur la Biodiversité à Montréal, en avril et mai, ont produit de claires recommandations (dirigées par exemple au Panel Intergouvernemental sur le Changement Climatique et aux Partis de la Convention sur le Changement Climatique) pour prendre en compte la biodiversité dans les politiques concernant le changement climatique et dans les options législatives. Ils ont aussi conçu un plan d’action avec des lignes de conduite sur la restauration écoresponsables des forêts et d’autres écosystèmes. Ils ont même admis l’importance d’engager les populations autochtones et les communautés locales dans toutes les étapes des processus de restauration ainsi que l’importance de reconnaître leurs droits ; aussi ont-ils reconnus le fait que les femmes soient des « agents ayant une force de changement » et que « leur pouvoir de direction est crucial dans la revitalisation communautaire ainsi que dans la gestion de ressources naturelles durables ». [1]
Le défi est de garantir que ces louables recommandations – qui espérons-le, seront adoptées à la 12ème Conférence des Partis de la Convention sur la Biodiversité en Décembre 2016 – soient prises au sérieux par ces même Partis par la suite, lorsqu’ils participent aux négociations sur le changement climatiques et lorsqu’ils mettent en œuvre des efforts de restauration sur le terrain.
Malheureusement pourtant, une telle cohérence politique à l’échelle internationale demeure minimale, comme nous venons de le voir avec les Objectifs de Développement Durable. Trop souvent, les négociateurs au sein d’un seul régime environnemental international ignorent carrément les issues d’autres régimes internationaux. Et cela malgré le fait que le Programme des Nations Unies pour l’Environnement (UNEP) ait pris de nombreuses initiatives pour améliorer la cohérence dans la législation environnementale internationale.
Maintenant que le Conseil d’Administration de l’UNEP a été transformé en une Assemblée pour l’Environnement des Nations Unies plus puissante, qui se réunira pour la seconde fois les 23 et 27 mai à Nairobi, nous pouvons seulement espérer que les ministres de l’environnement se regroupant initieront une discussion de fond sur la façon dont ils peuvent s’assurer que leurs propres négociateurs ne déclarent pas « A » dans un forum, et « B » dans un autre. Une cohérence politique de meilleure qualité fera grand bien aux forêts de la planète, aux millions d’autochtones, aux communautés locales et aux femmes qui en dépendent.
Notes:
[1] téléchargé le 7 mai 2016. Le rapport final du meeting de la SBSTTA sera en ligne dans les prochaines semaines sur www.cbd.int
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La Mission pour une Inde Verte : Saboter la gouvernance et les pratiques communautaires au nom du changement climatique
Par Souparna Lahiri, All India Forum of Forest Movements, Inde
La Mission Nationale pour une Inde Verte (Green India Mission – GIM) est l’une des huit missions identifiées du Plan d’Action National sur le Changement Climatique de l’Inde (National Action Plan on Climate Change – NAPCC 2008). [1] Un avatar indien de l’approche consistant à payer pour les services écosystémiques, le GIM – tel que les groupes et activistes pour les forêts l’ont défendu – conduira à une hausse de l’expropriation des terres, de la violation des droits des personnes, de la destruction environnementale, et de la perte des terres communes et des moyens de subsistance – sans faire face au véritable problème du changement climatique.
La principale activité verte du GIM est destinée à l’expansion des plantations arboricoles, qui détruiront les prairies et les forêts naturelles riches en biodiversité, et qui réduiront l’accès des populations aux ressources des forêts et au fourrage animal. En particulier, les visées de la Mission incluent le déplacement des zones de cultures – vers celles conservées, utilisées et développées par les communautés des forêts, les peuples tribaux et autochtones.
Le calendrier de la Mission a été établi sur 10 ans avec une proposition budgétaire de 46,000 Roupies Indiennes (soit 6.8 milliards d’US dollars). La GIM vise ostensiblement à accroître les puits de carbone dans des forêts gérées durablement et dans d’autres écosystèmes, tout en maintenant la résilience et la capacité d’espèces ou écosystèmes vulnérables à s’adapter au changement climatique, et à donner aux communautés locales dépendantes des forêts les capacités d’adaptation face aux variations climatiques. Les résultats voulus de la GIM comprennent le doublement sur 10 ans des zones du pays allouées au reboisement ou éco-restauration, but supposé assurer que les forêts indiennes contribuent davantage à la réduction des gaz à effets de serre.
Sur le plan organisationnel, le document de la Mission s’engage à la mise sur pied du Gram Sabha [2] dans le cadre de l’Acte pour les Droits des Forêts ou de l’Acte pour l’Extension de Panchayat Raj [3] dans les zones prévues ; et les divers comités établis par ce document sont censés être des institutions clefs dans la planification et l’implémentation aux niveaux locaux. La Mission s’est aussi portée garante sur le fait que les zones d’implémentation de la GIM aient en premier lieu à se conformer aux dispositions de l’Acte pour les Droits des Forêts de 2006. Cependant, la Mission a aussi permis une entrée dissimulée aux Comités de Gestion Conjointe des Forêts (JFMCs) restructurés en vertu du Gram Sabhas, afin de protéger, régénérer et gérer durablement les forêts. Le modèle de direction comprend aussi les Agences pour le Développement Forestier (FDAs) réorganisées en tant qu’institutions supposées non-exclusives et démocratiques contribuant à la décentralisation de la gestion des forêts. Les mouvements des populations des forêts se sont invariablement opposés aux Comités de Gestion Conjointe des Forêts (JFMCs), en insistant sur l’abandon de ces comités ; demande cruciale lors de la lutte pour la promulgation de l’Acte pour les Droits des Forêts qui battait son plein courant 2005-2006.
La première version de la Mission a circulé afin d’être soumise à commentaires et à consultation limitée en juin 2010. [4] Le Gouvernement de l’Inde a adopté la GIM comme un instrument de sa REDD+ ; et le Cabinet de Comité des Affaires Etrangères a approuvé la GIM en février 2014 comme un Schéma Centralement Parrainé. D’après le Ministère de l’Environnement, des Forêts et du Changement Climatique, les lignes directrices de la GIM ont finalement été arrêtées en 2015, mais aucune activité réactualisée n’a été rapportée par le Ministère depuis. Cependant, il est clair que le Gouvernement n’a pas été apte à mobiliser beaucoup de fonds pour la GIM, et il semblerait que le Ministère ait alors décidé de raccorder la GIM avec d’autres schémas et programmes, l’un d’eux étant l’Autorité de Planification et de Gestion du Fonds pour le Reboisement Compensatoire (CAMPA – Compensatory Afforestation Fund Management and Planning Authority). [5]
Il s’agit d’un développement critique. La participation des communautés des forêts et du Gram Sabha, qui est essentielle à la notion de direction décentralisée, est diluée par cette convergence, dans la mesure où la CAMPA est fortement centralisée autant dans le gouvernement central que dans les gouvernements fédéraux, et entièrement contrôlée par les Départements des Forêts. Il s’agit d’un fonds essentiellement basé sur les paiements issus du reboisement compensatoire et de la Valeur Présente Nette (obtenue en attribuant une certaine valeur monétaire à une zone destinée à la déforestation dans le cadre d’un projet) faite par les développeurs dont les projets détruiront des espaces forestiers. Fin 2015, ce fonds atteignait 40 000 Roupies Indiennes (soit 6 milliards de dollars).
Les groupes forestiers ont interrogés le système de direction de la Mission dès le début, dans la mesure où il donne une place de premier rang aux Agences pour le Développement Forestier (FDAs) plutôt qu’aux mécanismes de gouvernance communautaire. La structure institutionnelle du GIM elle-même, fonctionne et se révèle contraire à l’argumentaire du document d’ensemble de la GIM, et cette situation est exacerbée par la fonte avec la CAMPA. Les mouvements des populations des forêts ont répondus au document de la Mission en soulignant que « Toute mission de cette sorte doit débuter avec un cadre démocratique qui, tout particulièrement, prive le Département des Forêts de sa suprématie et crée un espace pour un renforcement véritable des capacités des populations. Ce document fait le strict opposé ». [6]
Les lignes directrices de 2015 reflètent clairement les appréhensions des mouvements des populations des forêts concernant la mise à mal du Gram Sabha – ils déclarent que les plans seront approuvés par le Gram Sabha lui-même mais que des pouvoirs financiers pourraient être exercés en parallèle par le Président du JFMC et par le Membre Secrétaire. En substance, cela signifie effectivement que le Gram Sabha sera utilisé comme une autorité approbatrice uniquement, tandis que des activités concrètes seront menées par les JFMCs – bien que ces Comités de Gestion Conjointe des Forêts (JFMCs) soient des organismes n’ayant aucune place ni aucun rôle dans le régime de gestion collective et communautaire des forêts reconnu par l’Acte pour les Droits des Forêts de 2006.
Les lignes directrices de 2015 parlent aussi d’un engagement du secteur privé dans le développement de plantations et de pratiques sylvicoles en dehors des zones forestières, en ligne avec le développement de puits et de captage de carbone. Il existe une véritable inquiétude quant au fait qu’il s’agisse là d’une autre voie par laquelle la Mission facilitera l’expansion de monocultures, sachant que le document n’a pas exclu de telles plantations ; et les mesures politiques convertiront les ressources pour les habitats et les moyens de subsistance des populations, sans même les consulter, en marchandises à travers le système du commerce du carbone.
Cependant, ces lignes de conduite recherchent effectivement l’engagement des populations par le biais des Zones Conservées des Communautés (Community Conserved Areas – CCAs) et des Bosquets Sacrés. Elles définissent ces Zones Conservées des Communautés (CCAs) comme des « Ecosystèmes naturels (forêts/zones marines/terres humides/prairies/autres), incluant celles sous influence humaine minimale, contenant une faune, une flore et une biodiversité de valeur significative, étant conservés par les communautés à des fins culturelles, religieuses, politiques ou de subsistance, employant les lois coutumières ou d’autres moyens effectifs ». Tandis que cet aspect de la GIM semble promouvoir les bonnes pratiques pour ce qui est de l’engagement auprès des communautés des forêts, il est nécessaire de se rappeler que ces CCAs et Bosquets Sacrés ne bénéficient d’aucun soutien législatif en Inde et ne peuvent être laissés aux JFMCs. Ces derniers ne sont pas des collectifs communautaires capables de protéger les Zones Conservées des Communautés et les Bosquets Sacrés, que ce soit sur un plan organisationnel ou sur un plan conceptuel.
A partir de l’architecture de la GIM et du contenu des lignes directrices de 2015, nous pouvons tirer de claires indications et arriver à la conclusion que le rôle et le pouvoir des communautés des forêts, ainsi que leurs pratiques de conservation, sont potentiellement sur le point d’être sacrifiées sur l’autel de la séquestration du carbone. Mais la mise en œuvre de la GIM est actuellement lente, rendant ce moment opportun pour redoubler les appels à renforcer le Gram Sabhas et les pratiques de conservation communautaires, et pour exposer les détails d’un régime plus crédible de protection et de conservation des forêts sous une direction communautaire dans un futur proche.
Notes:
[1] Pour un résumé des Missions, voir le Centre des Solutions pour l’Energie et le Climat, consulté le 5 mai 2016.
[2] Conseil du village comprenant tous les adultes membres du village.
[3] Forme d’autogestion trois niveaux au-dessous de l’état fédéral.
[4] La première version de la GIM a été publiée en 2010 et est accessible sur http://www.moef.nic.in/downloads/public-information/green-india-mission.pdf
[5] Pour en savoir plus sur CAMPA l’Ordre de la Cours Suprême d’Inde établissant CAMPA est accessible sur http://envfor.nic.in/sites/default/files/CAMPA-SC%20order.pdf
[6] Souparna Lahiri, All India Forum of Forest Movements, La Voie vers REDD+, une présentation faite à la Consultation Régionale sur les REDD et GIM, Bangalore, Décembre 2010.
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Plantations Forestières au Chili, un modèle à éviter!
Par Carolina Lagos, Colectivo VientoSur, Chili
Le modèle de développement de la sylviculture qui a été mis en œuvre au Chili depuis ces 40 dernières années est souvent présenté comme un succès du fait de la croissance économique qui en est générée. Il est actuellement classé second, juste après l’exploitation minière, en matière de contribution au PIB national. Cependant, une analyse détaillée de ce modèle montre un degré élevé de concentration foncière dans ce secteur, en plus de nombreuses conséquences environnementales et sociales négatives.
Compte tenu de la possibilité d’une expansion à venir de ce modèle à l’échelle nationale, conjointement aux intérêts à répliquer ce modèle dans d’autres pays, il est important d’analyser l’expérience chilienne plus en détails. Qui en sont les bénéficiaires ? Et qui sont touchés par les multiples conséquences négatives générées par l’industrie, en particulier en ce qui concerne nos populations autochtones ?
A partir du dernier quart du XXe siècle, la sylviculture au Chili a reçu un sérieux soutien de l’état, ce qui a, de façon intentionnelle ou non, contribué à la concentration de bénéfices économiques dans quelques mains seulement. En effet, l’un des facteurs clef de l’expansion de la sylviculture était la contribution de l’état à sa promotion par le biais du décret N°701 sur les Plantations Forestières, un instrument ayant alloué des subventions et créé des allègements fiscaux pour l’établissement de plantations depuis 1974. Cette mesure a contribué de façon décisive, autant à l’expansion de monocultures de pins et d’eucalyptus qu’à la concentration de cette activité.
Par conséquent, au cours de la première phase d’implémentation de cette régulation législative – c’est-à-dire jusqu’à 1997 – plus de 94 % des plantations subventionnées appartenaient à de grandes et moyennes entreprises, et seulement 5.8% revenaient à de petits entrepreneurs. [1] Des amendements ultérieurs au décret ont tentés de renverser cette tendance. Mais le recul de 40 années passées laisse clairement apparaître que 70 % des profits sont revenus aux grandes et moyennes entreprises. Il en résulte aujourd’hui que seulement trois sociétés reçoivent plus de 70 % des profits générés par l’exportation dans ce secteur, et que ces mêmes groupes possèdent plus de 67 % des plantations. [2]
La croissance dans l’industrie forestière et les exportations associées n’ont pas été traduites par des bénéfices sociaux. L’un des arguments employé en faveur de la sylviculture est celui de la génération d’emplois. Mais l’industrie a penché pour une production et une exportation de produits à faible valeur ajoutée, ce qui a limité ses besoins de main d’œuvre. L’analyse globale montre que ce secteur occupe une zone de plus de trois millions d’hectares de terrain, maintenant recouverts par des plantations de pins et d’eucalyptus, tandis que les emplois générés ne dépassent pas le nombre de 130 000 – soit seulement 1.64 % du total du pays, et seulement un poste chaque 23 hectares de plantation. De plus, une réduction soutenue du nombre d’emplois par hectare conjointement à de faibles salaires et une précarité certaine, [3, 4] ont été identifiés.
Les principaux problèmes liés à l’expansion de la sylviculture touchent les communautés paysannes et les peuples autochtones en général, en particulier les populations Mapuche, qui ont été déplacées et qui ne sont plus à même de maintenir leurs économies traditionnelles, leurs pratiques ancestrales et leurs modes de vie, du fait de diverses conséquences néfastes des plantations forestières et des industries associées sur les écosystèmes.
La perte de la biodiversité
Les études menées par des institutions de recherche considèrent le modèle chilien du développement forestier comme le facteur principal de la perte de forêts endémiques au Chili, [5] et subséquemment de la perte de la biodiversité. Cet argument est justifié par l’estimation que la croissance des plantations s’est accomplie principalement à travers le remplacement et la substitution des forêts indigènes. Ce fait provoque la détérioration de la qualité de vie des communautés rurales et des populations Mapuche, qui ont traditionnellement tiré des forêts divers produits non-ligneux pour leur alimentation, notamment des graines, des fruits, différentes espèces de champignons ; ainsi que des plantes qui sont utilisées dans leur médecine traditionnelle. De plus, une rupture de l’équilibre des écosystèmes s’observe dans la chaîne alimentaire naturelle des forêts, et les morts de bétail et de volaille causées par des attaques de plus en plus nombreuses de prédateurs sont plus fréquemment rapportées.
Il est aussi important de remarquer que les forêts tempérées du Chili ont été classées comme des points névralgiques en terme de conservation, autant pour leur niveau élevé de biodiversité que pour leur degré d’endémisme. Elles sont parmi les écorégions les plus menacées de la planète. [6]
Pollution, érosion des sols, manques d’eau.
Les pesticides employés dans les plantations sylvicoles polluent les sols et l’eau, en empêchant par conséquent toute production recourant à ces ressources. Les communautés rapportent aussi des dommages concernant l’apiculture. De plus, les usines de papier liées à la sylviculture polluent l’eau, les sols et l’air, en provoquant la mort d’oiseaux, de poissons, d’algues, ainsi que des pertes dans les terrains agricoles du fait des pluies acides (lesquelles sont formées par les émissions de gaz des centrales de transformation qui entrent en contact avec la pluie ou le brouillard).Ces conditions affectent directement l’agriculture et l’élevage des communautés autochtones, et empêchent les usages traditionnels des forêts pour leur médecine et leur religion. Ces conditions ont aussi des répercussions directes sur la santé des personnes ; divers cas de problèmes respiratoires et de cancer ont été rapportés. Les récoltes rasant à blanc laissent la terre exposée à l’action de la pluie, ce qui engendre une érosion des sols et augmente le risque de glissements de terrains, fait rapporté comme étant l’une des plus grandes peurs des communautés de la région de Bio-bio.
Cette activité génère aussi des problèmes sociaux, dans la mesure où les changements dans les propriétés terriennes en faveur des entreprises sylvicoles ont donné lieu à la migration et à la relocalisation de familles, parfois même de communautés entières, n’ayant par conséquent qu’une faible, si ce n’est aucune, adaptation à leur nouvel environnement. Cela encourage l’exode rural des jeunes en quête de meilleures opportunités pour leur développement personnel et économique, et accentue l’érosion culturelle ainsi que la perte de connaissances et de pratiques ancestrales.
Il se peut cependant que la préoccupation la plus pressante et la plus immédiate soit le taux élevé d’eau extraite des aquifères, ce qui est une conséquence directe de l’expansion des plantations forestières. Cela a donné lieu à un déclin dramatique des ressources en eau, particulièrement saillant en période estivale, même dans les régions ayant un taux de précipitations annuel moyen de 1,200mm. A cause de cela, les gouvernements régionaux ont été obligés de fournir de l’eau aux communautés en les transportant dans des camions. Cet approvisionnement est cependant limité, et ne satisfait que les besoins pour la consommation humaine. De sérieuses répercussions touchent alors l’élevage animal, la production agricole, ainsi que la propagation d’espèces endémiques à usage médical participant à la conservation et la restauration des forêts. Tout cela fait de la sylviculture la menace principale de la conservation de la culture et de l’écosystème pour les paysans et les communautés autochtones ; et des problèmes liés à cette activité ont été la cause de conflits grandissants avec les peuples Mapuche au Chili en 2015 et 2016. Ils continuent à demander le retour à leurs terres, le respect de leur dignité, et la reconnaissance de leurs droits à l’autodétermination et au maintien de leurs modes de vie traditionnels.
Les politiques nationales et internationales nécessitent un changement urgent à la lumière des recherches qui montrent que les monocultures arboricoles ne sont pas durables, un changement fait de telle sorte à freiner le remplacement, à encourager la réhabilitation et la restauration de forêts endémiques, ainsi qu’à garantir la conservation des cultures de nos populations autochtones, qui, tout au long de l’histoire, ont été intimement liées aux forêts.
Notes:
[1] AGRARIA, 2005. “Informe final Evaluación de Impacto Programa Bonificación Forestal D.L. 701”. Ministerio de Agricultura, Conaf. Santiago, Chile. 226 pp. Available through: Dirección de Presupuesto, Gobierno de Chile on line website. Accessed April 23, 2016.
[2] Frêne, C., Núñez , A .2010. “Hacia un nuevo modelo forestal en Chile”. Revista Bosque Nativo 47, 2535. Available through: Revista Bosque Nativo on line website. Accessed April 23, 2016.
[3] Espinoza, M., Riquelme, V., Rojas, I., Yanes, H. 2008. “Precarización del empleo, ¿un mal moderno?” en Temas laborales N°5. Dirección del trabajo, Chile. Available through: Dirección del Trabajo, Gobierno de Chile on line website.
[4] OLCA. 2013. “Cultura local y modelo forestal: Una transición forzosa: El Caso Carahue”. Investigación del Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales. Septiembre de 2013. 23 pp. Available through: Observatorio Latinoamericano de Conflictos Ambientales on line web site. Accessed April 20, 2016.
[5] Aguayo, M.; Pauchard, A.; Azócar, G.; Parra, O., 2009. Revista chilena de historia natural. “Cambio del uso del suelo en el centro sur de Chile a fines del siglo XX. Entendiendo la dinámica espacial y temporal del paisaje”. Available through: Scientific Electronic Library on Line Chile website. Accessed July 31, 2015.
[6] Echeverría,C., David, C., Salas, J., ReyBenayas, J.M., Lara, A., Newton, A. 2006. “Rapid deforestation and fragmentation of Chilean Temperate Forests”. Biological Conservation 130: 481494.
Available through: Universidad de Concepción on line web site. Accessed April 20, 2016.
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La restauration des écosystèmes communautaires et les conséquences des plantations arboricoles en Afrique
Par Kureeba David, NAPE, Ouganda
En cette époque de changement climatique, l’Afrique s’est révélée être un point sensible en matière de projets de commerce et de compensation carbone liés aux forêts, dont les projets REDD+ (Réduction des Emissions dues à la Déforestation et à la Dégradation forestière) et les projets de plantation de forêts carbone. Dans de nombreux pays, les communautés qui possédaient les terres sont en train d’être délocalisées, et leurs terres sont remises aux mains de compagnies pour ces projets. Dans ce sens, de tels projets accélèrent en fait la vulnérabilité au changement climatique.
Dans les zones qui abritaient des forêts naturelles, des entreprises ont replanté des pins et des eucalyptus avec une négligence complète des droits territoriaux des communautés. Cette situation est exacerbée par l’existence d’une législation gouvernant l’environnement, les forêts et les ressources naturelles au sein de divers états africains, son application effective demeure un défi.
De nombreuses compagnies qui se réclament engagées dans des processus forestiers favorables à l’environnement, plantent en fait des espèces sylvestres telles que des pins et des eucalyptus pour maximiser les profits issus des financements alloués à la bioénergie et à la compensation carbone, aux dépens de l’environnement et des moyens de subsistance des communautés. Parmi ces compagnies, nous retrouvons Bidco Uganda Limited, Global-Woods dans la Réserve Forestière de Kikonda et Green Resources en Ouganda, au Mozambique et en Tanzanie.
Par exemple, à lire le site internet de Green Ressources, elle se présente comme une compagnie résolue à améliorer les moyens de subsistance des communautés. Mais en réalité, c’est tout l’inverse. Telle qu’il l’est écrit aussi sur le site internet : « Green Resources est la plus grande entreprise de reforestation d’Afrique et un leader dans le domaine du traitement du bois en Afrique de l’Est. La compagnie compte 45 000 hectares de luxuriantes forêts au Mozambique, en Tanzanie et en Ouganda, établies par ses activités de plantation. Elle fait fonctionner la plus grande scierie d’Afrique de l’Est en Tanzanie, un pôle électrique et des centrales de charbon au Mozambique, en Tanzanie et en Ouganda ; et elle est l’une des premières entreprises de la planète à recevoir un revenu carbone de ses plantations forestières ». [1] En quoi les communautés bénéficient-elles de ceci ? Tout particulièrement compte tenu du fait que la plupart des zones occupées par les plantations étaient d’anciennes terres communautaires ou des territoires de l’état.
Green Resources vise aussi clairement le volet de financement supplémentaire disponible en termes de bioénergie et de biochimie produites à partir de produits forestiers, ainsi que les financements pour le climat : « Green Resources possède des terres qui permettent à la compagnie d’établir près de 200 000 hectares additionnels de plantations, avec pour but de servir la demande régionale et globale croissante en produits forestiers. Sa stratégie est basée sur la culture de bois pour des usages traditionnels (bois de sciage, panneaux de bois, emballages, papiers, etc.) ainsi que pour les secteurs en plein essor de la biochimie et de l’énergie. Elle est un leader dans la finance carbone avec quatre projets de reforestation validés ». [2]
Certaines violations des droits de l’homme sont liées à l’établissement de ces plantations. Par exemple, Global Woods a été accusée de violations à Kikonda, [3] notamment des arrestations arbitraires, la confiscation de troupeaux, et une corruption bien répandue parmi les gardes forestiers employés par la compagnie. Les communautés touchées ont entrepris des poursuites judiciaires à l’encontre de la compagnie pour expropriation de terres. [4]
En 2009 au Libéria, Sime Darb, une entreprise basée en Malaisie, a signé avec le gouvernement et par le biais de sa filiale Sime Darb Plantation, un contrat de concession de 220 000 hectares de terres voués à être transformés en plantations d’huile de palme et de caoutchouc. Une nouvelle compagnie, Sime Darby Plantation (Libéria) (SDPL) était installée pour gérer les plantations. La zone concédée s’étend sur quatre comtés : Grand Cape Mount, Bomi, Bong et Gbarpolu.
En vertu de l’accord de concession, SDPL était censée travailler avec de petits exploitants afin de développer 44 000 hectares supplémentaires dans le cadre du Programme des Cultivateurs Sous-traitants. Il a été demandé à SDPL et à d’autres compagnies d’huile de palme d’entreprendre des Evaluations d’Impact Environnemental et Social (Social and Environmental Impact Assessments – SEIA) et des évaluations de Haute Valeur de Conservation (High Conservation Value – HCV) avant d’initier tout développement. Cependant, il semble que les communautés n’ont pas été consultées de façon appropriée. Les compagnies ont pris les devants et conduit les évaluations. De plus, les recommandations/atténuations de l’évaluation n’ont pas été appliquées, et au final, l’environnement dégradé.
En cette ère d’industrialisation et de changement climatique, l’unique solution pour sauver les moyens de subsistance des communautés et l’environnement est la Restauration des Ecosystèmes Communautaires. Il s’agit d’une tâche complexe, et prompte à être lente dans la mesure où les gouvernements considèrent à tort les approches communautaires comme primitives, et aussi à cause des vastes étendues de terres qui ont déjà été cédées aux compagnies de plantation. Cette manière honteuse dont les compagnies ont traité les communautés, tel que nous l’avons mentionné ci-avant, a aussi provoqué la perte de forêts, et par conséquent le changement climatique, la perte de la biodiversité, la contamination des eaux et l’insécurité alimentaire ; tout cela nécessitant d’être rétabli.
Cette approche implique de renforcer les capacités des communautés en concordance avec la Convention sur la Biodiversité et la Convention des Objectifs d’Aichi, en particulier l’Objectif 1 : « D’ici 2020 au plus tard, les populations sont conscientes des valeurs de la biodiversité et des démarches qu’elles peuvent entreprendre pour la conserver et l’utiliser de façon durable ». Le but de l’Initiative sur la Résilience de la Conservation communautaire (CCRI) est d’effectuer, en partant du terrain, une évaluation de la résilience des initiatives et des approches bio-culturelles des populations autochtones et des communautés locales en ce qui concerne la conservation et la restauration de la biodiversité ; et aussi d’évaluer le soutien légal, politique, socioéconomique, financier, technique et en matière de renforcement des capacités, qui pourrait être fourni afin de soutenir et de consolider ces initiatives et ces approches.
Des initiatives CCRI sont en train d’être conduites et promues en Tanzanie, au Kenya, en Ouganda, au Ghana et en République Démocratique du Congo. Il est important de remarquer que ces initiatives sont entreprises à proximité ou au sein même de zones qui ont été dégradées par des compagnies. En Ouganda, les communautés ont demandé le retour de leurs terres ancestrales et elles sont à présent en procès avec les auteurs de ces expropriations. Consécutivement à ces processus juridiques ont lieu des dialogues communautaires, des plantations d’arbres autour des communautés sur de petits terrains ou parcelles restants, afin de retrouver la souveraineté énergétique et la biodiversité. Au Kenya, le Réseau D’Information Autochtone (Indigenous Information Network – INN) est en train d’organiser dans le cadre du CCRI une réunion pour les Olorine et les Kimindet, deux communautés qui ont lutté pour sécuriser leurs droits aux ressources dans un même territoire. Cette rencontre s’intéresse à la manière d’harmoniser l’accès aux droits et à la propriété ainsi qu’au rôle du gouvernement dans la gestion des ressources.
Les gouvernements, en particulier en Afrique, devraient faire tout leur possible pour promouvoir la conservation communautaire et respecter les droits fonciers des communautés si l’Objectif 11 d’Aichi et d’autres sont atteints. L’Objectif 11 déclare que « D’ici 2020, au moins 17% des zones terrestres et des eaux intérieures, et 10% des zones côtières et marines, particulièrement les zones d’une importance particulière pour la biodiversité et les services écosystémiques, sont conservés par le biais des systèmes de zones protégées équitablement gérés, écologiquement représentatifs et bien connectés, ainsi qu’à travers d’autres mesures effectives de conservation spécifiques aux lieux, et intégrées au sein de paysages terrestres et marins plus étendus ». La conservation devrait être pour les communautés et par les communautés ; et les plantations ne devraient pas être considérées comme des forêts.
Notes:
[1] http://www.greenresources.no/
[2] http://www.greenresources.no/
[3]http://www.goldstandard.org/sites/default/files/goldstandard_statement_kikondaproject.pdf
[4] http://www.redd-monitor.org/2016/01/08/global-woods-plantations-in-uganda-trees-versus-food/
[5] Pour plus d’informations concernant le procès : http://www.theguardian.com/global-development/2015/mar/03/ugandan-farmers-take-on-palm-oil-giants-over-land-grab-claims
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La grande forêt d’Aughty
par Andrew St Ledger, chargé des relations publiques, La Ligue des Forêts
La grande forêt d’Aughty est un projet communautaire actif de la Ligue des forêts, visant à la restauration des forêts naturelles de East Clare et du sud de Galway, en Irlande. Ce projet vise à rassembler des agriculteurs, des communautés locales, des écoles, des propriétaires privés, des autorités locales et des responsables de gestion des terres publiques afin de restaurer, conserver et étendre les parcelles restantes de forêts anciennes irlandaises là où une immense chênaie s’étalait autrefois sur 260 kilomètres carrés.
Aujourd’hui, les forêts anciennes ne recouvrent plus que 0,002% des terres irlandaises. Pour la Ligue des forêts, cette situation témoigne d’une crise : en effet, le paysage irlandais authentique devrait se composer de forêts tempérées humides de l’ouest Atlantique, hyper océaniques [1] et riches en épiphytes et bryophytes.
Les anciennes lois Brehon, qui furent appliquées en Irlande entre 500 av. J.-C. et 1700 apr. J.-C., protégeaient jadis cette ressource précieuse qui permit à l’Irlande de connaître un âge d’or : elle était alors surnommée ‘Inis na Bhfeodha’ – l’île aux arbres sacrés. Cette période, allant du 2ème siècle apr. J.-C. au 12ème siècle apr. J.-C., fut marquée par la production de nombreux manuscrits enluminés, comme le Livre de Kells, ainsi qu’un trésor inestimable de fabuleux poèmes consacrés à la nature, de pièces de ferronnerie et de boiseries (ces dernières n’ont toutefois pas survécu jusqu’à nous en raison du caractère hautement périssable du bois, en particulier dans les climats très humides).
Malheureusement, en raison de l’histoire tragique qui marqua l’Irlande entre les 12ème et 20ème siècles, la couverture forestière diminua, passant ainsi d’environ 70% de forêts primaires à moins de 1%. Cette diminution est le résultat de 800 ans de guerres et de spoliations de la part des forces de la Couronne d’Angleterre. Les forêts furent rasées pour laisser la place à l’agriculture et aux villes ; le bois fut récupéré dans un premier temps pour les vaisseaux de la Marine Royale, puis, au 17ème siècle, pour la sidérurgie, sonnant ainsi le glas des dernières forêts d’Irlande.
L’Irlande fut la première colonie Britannique et servit de modèle à la colonisation. Le pays vécut une déforestation à grande échelle entre les 16ème et 17ème siècles —aucun autre pays d’Europe n’a subi une telle perte de biodiversité locale dans un laps de temps aussi court.
Au début du 20ème siècle, la Couronne décida enfin de restaurer les forêts d’Irlande, mais opta pour un modèle de plantation industrialo-scientifique fondé sur des espèces non-autochtones. L’Etat irlandais, après avoir obtenu un semblant d’indépendance en 1922, poursuivit néanmoins sur cette voie, et ce jusqu’à nos jours. L’Irlande possède donc aujourd’hui une couverture forestière de 11%, mais cette dernière se compose principalement de monocultures d’espèces exotiques de conifères.
Voici donc le contexte de notre projet de restauration qui, nous l’espérons, servira d’exemple à d’autre régions d’Irlande ayant également perdu leur couverture forestière d’origine.
En 2008, la Ligue des forêts s’est associée avec une communauté locale qui avait reçu un don de 0,4 hectare de forêts, ainsi qu’avec une ONG de protection de l’environnement appelée CELT (Centre for Environmental Living and Training – Centre pour la vie et la formation à l’environnement), dans le but de développer le site en question et d’en faire un modèle de restauration de forêts naturelles. Les conifères de ce site avaient été rasés une quinzaine d’années auparavant et plusieurs espèces d’arbres locales et exotiques participaient au renouvellement de la forêt. Nous avons conçu un plan de gestion visant à accroître ce processus pour permettre au site de retrouver une canopée mature et stable de chênes. Nous avons travaillé principalement sur la base du volontariat et ce pendant plusieurs années. Le projet a été une véritable réussite. Un prix lui a même été décerné en 2014 lors d’un concours ALL Island Pride of Place de reconnaissance du travail des communautés en Irlande, dans la catégorie éco-communauté. A ce stade, la forêt naturelle de la communauté de Tuamgraney était devenue un bien communautaire très apprécié à plusieurs niveaux, notamment comme modèle de restauration de forêts naturelles.
En 2009, nous avons produit un document intitulé « Proposition de projet pilote pour une gestion intégrée des forêts à East Clare ». A cette époque, l’Irlande avait déjà été frappée de plein fouet par un krach financier catastrophique en même temps que l’économie mondiale plongeait dans la récession. Nous avons proposé de cartographier et restaurer les parcelles de forêts primaires de la région tout en tâchant d’étendre et de gérer les parcelles boisées de fermes et les forêts privées existantes, qui ne faisaient alors l’objet d’aucun plan de gestion. L’objectif consistait à former des équipes locales de personnes sans emploi pour mener à bien ce travail essentiel et créer par là même des emplois utiles au niveau local, tout en renforçant la résilience des communautés locales face à la crise économique et environnementale. Nous avons dressé la liste des nombreux avantages pouvant découler de cette démarche, comme les sources d’énergie alternatives, l’atténuation des effets du changement climatique, notamment la réduction des inondations, le renforcement de la biodiversité ainsi que la gestion et la filtration des ressources en eau.
Entretemps, nous avons élaboré un plan plus large pour relier les forêts de la communauté aux parcelles de forêts primaires via des rivières et des torrents, dans le but de créer des couloirs écologiques, en nous appuyant sur le projet pilote. Nous avons reçu en cadeau la technologie de cartographie numérique de Treemetrics, une entreprise irlandaise récompensée à plusieurs reprises ; cependant, nous n’avons pas encore exploité tout le potentiel de cet outil. Puis, en 2013, le propriétaire du domaine de Raheen, qui légua le site de 0,4 hectare à la communauté locale, nous demanda de l’aide pour conserver 16 hectares supplémentaires de chênaies anciennes, à partir de ce que nous avions accompli sur la parcelle de 0,4 hectare. Nous l’avons aidé à commanditer un plan de gestion durable des forêts, ce qu’il a fait, et nous avons eu la surprise de le voir intégrer au plan 80 hectares supplémentaires issus de son domaine. Il s’agit maintenant du plus grand projet de restauration de chênaies anciennes privées d’Irlande.
A l’heure actuelle, six modèles différents de restauration de chênaies sont en place au domaine de Raheen. Ces projets comprennent le retrait des espèces non-locales de conifères, la régénération naturelle, quelques plants ainsi qu’une zone de 50 mètres carrés de taillis que nous avons utilisée pour une session de formation à la gestion durable des forêts. CELT a reçu des financements pour la formation à la gestion durable des forêts et nous avons contribué à la création des modules de formation en nous appuyant sur le plan du projet pilote. Le projet a été couronné de succès : vingt personnes venues des quatre coins d’Irlande ont ainsi participé aux douze modules de formation où se mêlaient enseignements théoriques et démonstrations pratiques. Nous avons maintenant pour objectif de reproduire ces douze modules de formation dans d’autres régions d’Irlande et de partager ces savoir-faire, afin d’aider la population à retrouver ce lien qu’elle a perdu vis-à-vis des forêts naturelles d’Irlande, ce qui constitue par ailleurs la mission de la Ligue des forêts.
En 2015, les mérites de notre proposition pour une Grande forêt d’Aughty ont été reconnus par un organisme de renommée internationale : le NINA (Norwegian Institute for Nature Conservation – l’institut norvégien pour la conservation de la nature). Ce dernier nous a invités à participer à un projet pan-européen de restauration de forêts naturelles de montagne aux côtés de quatre autres pays, en commençant par faire une demande de financements dans le cadre du programme européen de financement de la recherche Horizon 2020. Malheureusement, le projet n’a cette fois-ci pas été validé au-delà de la deuxième étape, mais nous sommes certains d’obtenir des financements dans un avenir proche. Quoiqu’il en soit, nous poursuivons notre travail avec des financements peu importants mais beaucoup de bonne volonté, convaincus que le train est désormais en marche, avec à la clé vrai trésor en corollaire : la restauration communautaire !
Notes:
[1] On trouve les forêts tempérées humides hyper océaniques dans les régions de climat océanique extrême, très humides et caractérisées par des chênaies adaptées pouvant résister au sel de l’air marin et à la pluie, et abritant une riche diversité de lichens, mousses et fougères, des espèces particulièrement friandes de l’humidité typique aux climats océaniques.
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Aspects sexospécifiques de la conservation de la biodiversité et menaces liées aux plantations en monoculture
Par Isis Alvarez, Conseillère sur les questions de genre et Directrice de campagne, Coalition Mondiale des Forêts
La participation des femmes à la gestion durable et la conservation des ressources naturelles est de plus en plus reconnue au sein des processus intergouvernementaux. Aujourd’hui, de vrais plans d’action sur l’égalité des sexes sont compris dans deux des accords environnementaux les plus importants, à savoir, la Convention sur la diversité biologique (CDB) et la Convention cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC). Pour beaucoup, cela constitue une avancée considérable en matière d’égalité des sexes et de droits des femmes. Mais c’est encore insuffisant.
La reconnaissance du rôle essentiel que jouent les femmes dans la gestion des ressources naturelles passe par une meilleure compréhension des rôles différenciés homme/femme. Les femmes étant plus dépendantes des ressources naturelles pour survivre, elles passent plus de temps en contact avec ces dernières, tandis que les hommes travaillent davantage au niveau de la chaîne de production de produits dérivés (comme le bois destiné à être transformé en bois d’œuvre ou en charbon, par exemple). [1]
La littérature donne de plus en plus d’informations sur le temps que passent les femmes à collecter des produits forestiers non-ligneux, du bois de chauffage et pour la production d’électricité, et —sujet le plus souvent traité— à chercher de l’eau. D’ailleurs, une étude sur le temps et la pénurie en eau menée dans 25 pays d’Afrique sub-saharienne estime que les femmes passent au moins 16 millions d’heures par jour à chercher de l’eau potable, contre 6 millions d’heures pour les hommes et 4 millions d’heures pour les enfants. [2] En raison de la pollution des cours d’eau, les femmes doivent marcher plus longtemps pour trouver une source d’eau potable ; à cause de la déforestation et l’érosion de la biodiversité, il est de plus en plus difficile pour les femmes de trouver du bois de chauffage, des produits forestiers non-ligneux, etc. Bref, plus l’environnement est dégradé et/ou plus la ressource est rare, et plus les corvées des femmes deviennent « pénibles ». [3]
En outre, le fait que les femmes allouent de plus en plus de temps à ces tâches fastidieuses signifie qu’elles ont moins de temps à consacrer à l’éducation. Cela a donc un impact sur leur capacité à participer aux prises de décisions en matière d’utilisation des terres et de gestion des forêts, par exemple. De plus, ces distances toujours plus longues à parcourir signifie que les femmes et les filles, parfois contraintes de se déplacer seules, courent davantage le risque de subir des agressions physiques et sexuelles.
Par ailleurs, les femmes et les filles prennent soin des plus jeunes et des malades sans recevoir aucune compensation financière – ce que l’on appelle les soins non-rémunérés dispensés par les femmes. Cela entrave également de façon indirecte leur éducation, et par là même leur capacité à participer aux processus de prise de décisions. Cette situation se trouve parfois exacerbée lorsque plusieurs membres de la famille tombent malades en raison de la pollution de l’eau et de l’air.
Les femmes sont également de plus en plus victimes de violences domestiques : les ressources dont elles dépendent traditionnellement se faisant de plus en plus rares, les femmes deviennent financièrement dépendantes de leur partenaire. Certaines sociétés vont même jusqu’à refuser aux femmes leurs droits de succession, [4] empêchant par là même ces dernières d’obtenir des droits d’utilisation des terres.
De plus, les accords tels que la CCNUCC ont tendance à se concentrer sur de fausses solutions, qui non seulement ne règlent pas la question de la réduction des gaz à effet de serre, mais contribuent en outre à accroître la pression et les menaces vis-à-vis des femmes. Par exemple, en soutenant une approche commerciale vis-à-vis des forêts et désormais, de l’agriculture, la CCNUCC alimente un processus d’accaparement de parcelles de terres toujours plus vastes dans les pays du Sud, pour y établir des plantations forestières en monoculture à grande échelle en échange de soi-disant crédits carbone (REDD+), pour la production de bioénergie, etc. Aujourd’hui c’est l’agriculture intelligente face au climat, inscrite dans la même démarche, qui est en vogue. Ces approches contribuent chacune à développer la monoculture, à monopoliser de vastes parcelles de terre et à limiter l’utilisation et l’accès à la terre pour les femmes.
Par conséquent, même si les plans d’action et les décisions en faveur de l’égalité des sexes visent à davantage d’inclusion, le fait est que les accords dans leur globalité défendent des approches qui, elles, continueront d’avoir des conséquences négatives sur la vie et les moyens de subsistance des femmes.
Ainsi, une étude sur les questions de genre et les plantations en Indonésie s’est penchée sur différents sujets de préoccupations, notamment :
- L’acquisition de terres pour y établir des plantations ; la dégradation de l’environnement
- La dégradation des institutions coutumières
- Des défaillances dans les projets en faveur des petits exploitants
- Le chômage
Dans son rapport intitulé « La femme, la forêt et les plantations. La dimension de genre » (publié en 2005), [6] le Mouvement mondial pour les forêts tropicales décrit avec force détail les impacts sur l’égalité des sexes, en étayant son propos de plusieurs études de cas réalisées à travers le monde. Les plantations forestières affectent l’égalité des sexes à travers l’expulsion forcée des femmes de zones dont elles étaient autrefois dépendantes et/ou l’accès restreint à ces zones, des activités agricoles réduites en raison notamment de la pollution des sols, des conséquences de plus en plus graves sur la santé et le bien-être dues à la pollution des cours d’eau (comme décrit plus haut). Il existe également un risque accru de perte des systèmes de connaissances autochtones, et l’absence d’indemnités de chômage et une faible rémunération pour les femmes travaillant dans les plantations, bien qu’elles fournissent le même travail que les hommes.
Mais ce sont aussi les femmes qui sont à la tête du mouvement de lutte contre les plantations forestières en monoculture. Par exemple, la première manifestation documentée de lutte contre une plantation forestière en monoculture fut menée par des femmes. C’était en août 1983, dans l’état du Karnataka en Inde. Un vaste groupe de femmes et de petits paysans des villages de Barha et de Holahalli se rendirent à la pépinière locale d’eucalyptus. Les femmes protestaient contre les variétés commerciales d’eucalyptus particulièrement néfastes d’un point de vue de l’eau, des sols et des systèmes alimentaires. Les manifestants déracinèrent plusieurs millions de plants d’eucalyptus et semèrent à la place des tamariniers et des manguiers. Tous les manifestants furent arrêtés, mais leur action devint un symbole de la lutte qui se poursuit aujourd’hui.[7]
Une anecdote tout aussi encourageante s’est produite en 2015, quand un millier de femmes s’est introduit dans un bâtiment de FuturaGene au Brésil, pour y détruire des semis d’arbres génétiquement modifiés (OGM). Ces femmes étaient clairement déterminées à empêcher la commercialisation d’eucalyptus génétiquement modifiés ; elles avaient pu voir de leurs propres yeux les dommages que peuvent engendrer les plantations à grande échelle existantes d’eucalyptus non-OGM, et savaient que des arbres génétiquement modifiés pour se développer plus rapidement auraient des impacts plus graves encore.[8]
Au niveau local, nombreuses sont les communautés qui depuis toujours respectent et valorisent le rôle des femmes autochtones, bien que ces rôles soient parfois invisibles pour un observateur extérieur. La colonisation eut aussi sa part de responsabilité en établissant un système patriarcal qui modifia les systèmes coutumiers. Le rôle essentiel des femmes y perdit toute reconnaissance, même dans le cas de sociétés autrefois matriarcales.[9]
Les connaissances et responsabilités traditionnelles des femmes au sein du foyer et de la communauté, comme gardiennes des ressources naturelles et des ressources du ménage, font de ces dernières des actrices clé pour contribuer à l’adaptation des stratégies de subsistance face aux réalités d’un environnement changeant [10], par exemple le changement climatique. Pourtant, si les exemples de cette capacité sont légion aux quatre coins du monde, ils ne sont guère reflétés dans les accords internationaux.
Notes:
[1] Voir par exemple http://www.ulb.ac.be/sciences/biocomplexity/pub/Fekaetal_2011_IntJBiodivSciEcosystServManage.pdf; http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0921800906001406
[2] World Health Organization and United Nations Children’s Fund, Progress on Drinking Water and Sanitation: 2012 Update, (Geneva, 2012). – Plus d’information sur : http://www.unwomen.org/en/what-we-do/economic-empowerment/facts-and-figures#notes
[3] Voir par exemple http://www.unicef.org/esaro/7310_Gender_and_WASH.html
[4] Voir par exemple http://www.cifor.org/publications/pdf_files/OccPapers/OP-80.pdf
[5] http://www.cifor.org/publications/pdf_files/OccPapers/OP-124.pdf
[6] http://wrm.org.uy/oldsite/subjects/women/text.pdf