De vraies solutions, pas de fausses promesses : Un appel commun à agir
De vraies solutions, pas de fausses promesses :
Un appel commun à agir pour rejeter les approches fondées sur le marché et promouvoir une approche de la protection de la biodiversité qui soit juste du point de vue du genre et fondée sur les droits lors de la 16e Conférence des Parties à la CDB
A l’approche de la 16ème Conférence des Parties (COP 16) de la Convention des Nations Unies sur la Diversité Biologique (CDB) à Cali, Colombie, nous, soussignés, sommes solidaires de la société civile, des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes et des mouvements de jeunesse pour demander d’urgence un objectif strict et contraignant pour mettre fin à la déforestation et à la perte de biodiversité.
La crise mondiale de la biodiversité exige une action immédiate qui
- respecte les droits grâce à des approches écosystémiques et bioculturelles
- donne la priorité aux droits inhérents et collectifs des Peuples Autochtones, promeut des solutions justes en termes de genre,
- reconnaisse les droits des écosystèmes et la dignité humaine,
- et qui privilégie les savoirs traditionnels et le leadership des communautés locales dans toute leur diversité par rapport aux approches des entreprises et du marché.
Contexte et justification
Au cœur de notre appel, réside la reconnaissance du fait que les fausses solutions, motivées par la financiarisation et la marchandisation de la nature, ne feront qu’aggraver la crise environnementale, la criminalité climatique, ainsi que les crises sociales et des droits humains. Nous croyons fermement que les vraies solutions viennent du terrain, à travers les pratiques des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des femmes, des jeunes, des paysan.n.e.s, et d’autres groupes affectés qui ont depuis longtemps démontré leur proximité avec la protection de la nature.
Les crises de la biodiversité et du climat sont profondément liées. Il est impossible de préserver la biodiversité sans s’attaquer à l’urgence climatique. Pour y parvenir, il faudra un changement systémique décolonisant, non patriarcal et fondé sur une compréhension holistique des forêts et des écosystèmes en tant que systèmes de vie et de culture..
Cela nécessitera un changement systémique décolonisant, non patriarcal et fondé sur une compréhension holistique des forêts et des écosystèmes en tant que systèmes de vie et de culture.
Principaux appels politiques et recommandations pour les Parties
1. Agir de façon urgente contre la perte de biodiversité
Mettre un terme à la perte de biodiversité et à la déforestation en s’attaquant aux causes structurelles, à savoir l’extractivisme, notamment l’exploitation minière, l’exploitation des combustibles fossiles, les plantations d’arbres en monoculture, l’agriculture industrielle extensive, l’élevage non durable et les projets d’infrastructure à grande échelle. Les vraies solutions viennent des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes et des mouvements de jeunesse et nous appelons à des objectifs clairs qui limitent les activités nuisibles plutôt que d’abandonner la biodiversité aux lois du marché.
Évaluer de manière critique les échecs du précédent plan stratégique pour la biodiversité de 2011-2020 et les lacunes dans la formulation et la mise en œuvre du CMB de KM, en veillant à ne pas répéter les erreurs du passé.
Veiller à ce que les entreprises et leurs bénéficiaires soient considérés comme pleinement responsables de la perte de biodiversité qu’ils causent ; mettre en œuvre des réglementations contraignantes et une vérification complète et indépendante de toutes les affirmations des entreprises concernant la protection de la biodiversité ; et veiller à ce que les « consommateurs » ne soient pas tenus pour responsables des mesures prises en l’absence des cadres réglementaires nécessaires.
2. Rejeter les approches fondées sur le marché
Récuser les modèles de conservation axés sur le marché et les fausses solutions telles que les compensations et les crédits en matière de biodiversité et de climat et les solutions fondées sur la nature, qui font de la nature une marchandise et donnent la priorité au profit plutôt qu’à l’intégrité écologique, tout en retardant les mesures visant véritablement à réduire les émissions et à mettre un terme à la destruction de la biodiversité.
3. Urgemment mettre en œuvre une approche de la conservation de la biodiversité fondée sur les droits.
Promouvoir des approches écosystémiques non mercantiles, respectueuses des droits des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.ne.s, des femmes, des jeunes et de la Nature. Veiller à ce que le financement de la biodiversité soit transparent, équitable, sensible au genre et aligné sur les trois objectifs de la Convention sur la biodiversité et son Plan d’action pour l’égalité de genre (PAG).
Une approche fondée sur les droits devrait inclure à la fois les droits de Mère Nature et les droits coutumiers et collectifs des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes et des mouvements de jeunesse. Ces deux droits sont profondément interdépendants, complémentaires et inséparables.
4. Mettre fin aux incendies de forêt et à la destruction de la biodiversité
Ces dernières années, nous avons assisté à une augmentation alarmante des incendies de forêt dans les territoires autochtones et les terres communautaires, en raison de l’avidité de l’agro-industrie qui s’approprie et exploite ces territoires, avec l’aide des politiques et des législations nationales. En mettant le feu aux forêts, elles mettent également le feu à des espaces clés pour la biodiversité, détruisant nos systèmes de vie et notre droit à un avenir basé sur la souveraineté alimentaire. Il n’y a pas de biodiversité sans forêts. Nous appelons d’urgence les Parties et les autres parties prenantes, y compris le secteur privé et les entreprises, à cesser de brûler nos forêts si nous voulons conserver et protéger la nature et ses ressources vitales.
5. Défendre le leadership des Peuples Autochtones, des femmes, des jeunes, des enfants, des Afro-descendant.e.s, des paysan.ne.s et des Communautés Locales
Garantir la participation pleine et entière des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e. s, des femmes, des enfants et des mouvements de jeunesse dans tous les processus de prise de décision relatifs aux forêts et à la biodiversité.
Défendre les droits fonciers et culturels et plaider en faveur d’un accès équitable aux ressources pour celleux qui sont en première ligne de la protection de la biodiversité, en particulier les femmes, qui sont confrontées à la fois à la destruction de l’environnement et aux systèmes patriarcaux d’exploitation. Garantir l’accès à l’information pour tous.tes les détenteurs et détentrices de droits ainsi qu’une approche de gouvernance équitable pour la résolution des conflits dans les territoires autochtones.
Assurer la protection des défenseur.e.s de la nature, des forêts, de la biodiversité, de l’environnement et des droits humains.
Prévenir la perte de biodiversité causée par l’agro-industrie, les monocultures commerciales et les industries extractives en mettant en œuvre des lois et des réglementations nationales strictes tout en respectant le consentement libre, préalable et éclairé des communautés. Les peuples autochtones et les communautés locales ont le droit de dire non.
6. Promouvoir les connaissances traditionnelles et l’agroécologi
Défendre et promouvoir les connaissances et pratiques traditionnelles des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes et des jeunes, qui se sont avérées efficaces dans la conservation des forêts et de la biodiversité et dans l’atténuation du changement climatique.
Promouvoir les pratiques agroécologiques et les droits des petits agriculteurs, des pêcheurs artisanaux et des communautés forestières, tels qu’ils sont reconnus dans les déclarations des Nations unies sur les droits des Peuples Autochtones (UNDRIP) et sur les droits des paysans et autres personnes travaillant dans les zones rurales (UNDROP).
Nous appelons à la reconnaissance, au respect et à la mise en œuvre de l’UNDRIP et de l’UNDROP dans toutes les politiques, législations et accords relatifs aux forêts et à la biodiversité.
7. Mobiliser des ressources pour de vraies solutions
Obtenir des engagements juridiquement contraignants pour mobiliser des ressources publiques en faveur de la protection de la biodiversité, en rejetant les initiatives du secteur privé et du marché qui favorisent le profit, l’extractivisme et le greenwashing au détriment de l’équilibre et de la justice écologiques.
Garantir des plans de financement de la biodiversité qui tiennent compte du genre et qui donnent la priorité aux solutions locales et communautaires, ainsi qu’un accès direct au financement, sans intermédiaire, pour soutenir ces initiatives communautaires.
8. Éliminer les subventions nuisibles
Éliminer immédiatement les subventions publiques et privées néfastes qui favorisent la perte de biodiversité et le changement climatique, telles que celles qui soutiennent les combustibles fossiles, l’agriculture industrielle, les plantations commerciales en monoculture et la bioénergie à grande échelle. Identifier et traiter les flux financiers publics et privés à l’origine de la perte de biodiversité et des dommages environnementaux associés qui, selon le PNUE, s’élèvent à 7.000 milliards de dollars en 2023.
9. Aires protégées et gouvernance communautaire
Démanteler les formes coloniales de conservation de forteresse et décoloniser les aires protégées existantes. Toute création et extension d’aires protégées doit respecter et reconnaître les droits traditionnels et collectifs des Peuples Autochtones sur leurs terres natales et leurs territoires de vie, protéger les droits des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes, des enfants et des jeunes, garantir le consentement libre, préalable et éclairé tel qu’inscrit dans l’UNDRIP et d’autres déclarations pertinentes, ainsi qu’une gouvernance équitable et efficace de ces territoires et terres natales, désignés comme aires protégées, et garantir que ces populations ne soient pas marginalisées, déplacées, exclues ou attaquées au nom de la conservation.
10. Connaissances traditionnelles et article 8j
Assurer la mise en œuvre complète et effective de l’article 8j de la CDB, en reconnaissant le rôle vital des connaissances traditionnelles dans la conservation de la biodiversité. Cela doit se faire avec la pleine participation et le consentement libre, préalable et éclairé des Peuples Autochtones et des Communautés Locales, ainsi que l’inclusion des des Afro-descendant.e.s, en tant que détenteurs de droits collectifs, et les bénéfices doivent être équitablement partagés.
L’article 8j devrait donner la priorité à l’élaboration et à la mise en œuvre de protocoles bioculturels communautaires (BCP) avec la participation pleine et effective des Peuples Autochtones et des Communautés Locales, en particulier des femmes, des enfants et des jeunes, afin de garantir une conservation dirigée par la communauté, une utilisation durable de la biodiversité et un accès équitable au partage des bénéfices.
11. Séquençage numérique de l’information
Appliquer pleinement les principes de la CDB relatifs au consentement libre, préalable et éclairé, à l’accès et au partage des bénéfices, à toutes les bases de données de séquençage numérique de l’information (DSI), qu’elles soient publiques ou privées, et à tous.tes celleux qui bénéficient directement ou indirectement des DSI. Les opérateurs de bases de données doivent garantir une bonne gouvernance pour chaque base de données, en indiquant le pays d’origine et en assurant la transparence des liens avec les connaissances traditionnelles, tout en veillant à ce que les ressources ne soient téléchargées que si elles ont été obtenues légalement. Les parties qui financent, parrainent ou hébergent des bases de données doivent également veiller à la bonne gouvernance.
Appel à l’action
La COP 16 qui se tiendra à Cali, en Colombie, nous donne l’occasion de réaffirmer notre engagement collectif en faveur de la conservation des forêts et de la biodiversité. Les voix des Peuples Autochtones, des Communautés Locales, des Afro-descendant.e.s, des paysan.n.e.s, des femmes, des enfants, des jeunes et des mouvements locaux doivent être au cœur de l’élaboration des politiques qui régiront notre avenir commun. Nous appelons tous les gouvernements à donner la priorité aux personnes et à la planète sur le profit d’une manière qui soit juste et équitable, qui tienne compte du genre, qui soit basée sur les droits et qui soit ancrée dans une approche non marchande menée par des solutions réelles et dirigées par les communautés.
Au-delà de la COP sur la biodiversité à Cali, notre route mène à la COP 30 de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC) à Belém do Pará, au Brésil, en 2025 – une étape cruciale de l’action mondiale en faveur du climat. Les luttes pour la protection des forêts et de la biodiversité et la lutte contre la crise climatique sont étroitement liées. Seule la lutte contre les causes profondes du changement climatique et de la perte de biodiversité nous permettra d’espérer un avenir durable pour tous.tes.
Il est temps d’agir. Faisons front commun, amplifions les voix de celleux qui ont pris soin de la Terre depuis des générations et veillons à ce que toutes les politiques et tous les accords mondiaux visant à réduire la déforestation, à enrayer la perte de biodiversité et à lutter contre le changement climatique soient un instrument de justice, d’équité, et de protection de la vie sous toutes ses formes.
Signé par
A.N.G.R.Y. (Alliance of Non-Governmental Radical Youth)
Armenian Forests
Asamblea Mundial por la Amazonía
Association Jeunesse Verte Internationale (AJVI – AJVC)
Blue Dalian
The Campaign to STOP GE Trees
Centro de Capacitación e Investigación de la Mujer de Tarija (CCIMCAT)
Centro de Estudios Heñói, Paraguay
Colectivo VientoSur, Chile
Ecuadorian Coordinator of Organizations for the Defense of Nature and the Environment (CEDENMA)
Émergence ONGD RDC
Federation of Community Users Nepal (FECOFUN)
Friends of the Siberian Forests
Fundacion Solon
Gamarjoba, Georgia
Global Forest Coalition (GFC)
Global Justice Ecology Project
Global Justice Now
Instituto para el Futuro Común Amerindio (IFCA)
International Association of River Keepers Eco-TIRAS (Moldova)
Mesa Afrodescendiente de Justicia Climática de Centroamérica y el Caribe (AfroClimaCC)
Reacción Climática – Bolivia
Red Dominicana de Estudios y Empoderamiento Afrodescendiente – RedAfros -, República Dominicana
Sihyta
Union for Defence of the Aral Sea and Amudarya
War on Want